Nicolas Bargelès — La ROSCO avait dit début janvier. Mais début janvier, nous n’avons pas eu de nouvelles. Alors nous avons relancé nos contacts. Nous les avons même un peu pourchassés pour avoir une réponse. Et nous en avons eu deux. La première, c’est qu’ils acceptent finalement que le fonds public français investisse avec eux. C’est une excellente nouvelle puisque toutes les ROSCO auxquelles nous avons parlé depuis le début de l’aventure voulaient investir seules. Ils ne nous ont pas donné les raisons exactes de ce changement de cap mais il n’est pas difficile de deviner. Cela leur permet de mettre moins de liquidités dans le projet. Et, par extension, de présenter un projet moins risqué à l’actionnaire majoritaire de la ROSCO. Il s’agit d’une gigantesque société financière basée en Amérique du Nord. Enfin, et surtout, c’est pour eux une première collaboration avec ce fameux fonds public. Ce qui pourrait leur servir dans le futur.
La seconde réponse que nous font les responsables de la ROSCO, c’est précisément qu’ils vont soumettre le projet à leur comité d’investissement à la fin du mois de janvier. Et donc à ce fameux actionnaire majoritaire. Si nous le précisions ici, c’est qu’ils avaient d’abord affirmé que ce ne serait pas le cas. Que pour un niveau d’investissement relativement modeste, cette diligence serait superflue. Qu’ils pouvaient le valider à leur propre niveau. Là encore, pas d’explication. Probablement quelque désalignement interne mais nous ne pouvons en être sûrs. Difficile à ce stade de dire si cela change quelque chose pour nous. Pourtant, une chose est sûre : ceux avec qui nous sommes en contact, dont le CEO, sont très enthousiastes pour faire ce deal. Ils sont convaincus par le modèle économique de Midnight Trains. Mieux encore, ils pensent que l’époque est propice à relancer des trains de nuit internationaux, à condition que le confort soit en phase avec son temps.
Romain Payet — La ROSCO a toutefois été claire : même si ce deal se fait, ce sera avec un niveau de garantie identique à celui demandé à l’époque où nous l’avons écartée pour cette exacte raison. Soit 20 millions d’euros au minimum. C’est une somme. Surtout maintenant que nous avons enfin quasiment bouclé le tour de table de la société opérationnelle. Mais nous n’avons pas le choix, sans cette ROSCO, nous sommes morts.
À l’inverse, nous savons en effet que si la ROSCO nous rejoint, elle sera suivie par d’autres. Nous serions alors dans une position de force. C’est comme vendre du Bitcoin lorsqu’il vaut déjà 50.000 dollars l’unité. Ce n’est pas bien difficile. Nous tablons donc sur le retour de certains fonds de capital-risque, de certains fonds d’impact et de certains gros business angels. Mieux encore, nous imaginons ouvrir notre capital à des profils de petits investisseurs et à notre communauté. Vous, donc. Sauf que même avec tout cela, nous risquons de ne pas atteindre la somme fatidique. Celle-ci est d’autant plus difficile à réunir qu’il ne s’agit pas d’un investissement mais d’une garantie. Elle peut donc prendre la forme de loyers prépayés et séquestrés, d'une garantie bancaire, d’une garantie assurantielle ou d’une garantie de reprise par un autre opérateur en cas de faillite de Midnight Trains.
Adrien Aumont — Fournir de telles garanties n’est pas chose aisée. Il ne suffit pas de lever de l’argent frais ou d’aller à la banque. Il faut l’aide d’un ou plusieurs acteurs publics, qu’ils soient français ou européens. Il faut qu’une institution accepte d’aider les nouveaux entrants à accéder au matériel roulant. Il faut qu’elle ouvre une poche de budget consacrée aux transports, au développement durable, au financement d’entreprises ou autre pour nous soutenir. Nous profitons donc de ce moment d’attente de la réponse de la ROSCO pour relancer les institutionnels avec lesquels nous avons été en contact depuis trois ans. Ceux que nous avons croisés sur ce chemin de croix qu’a été le fait de leur demander de nous soutenir, de près ou de loin. Ce sont eux la clé pour réunir les garanties demandées si la ROSCO nous donnait le feu vert.
Mais cette fois, plutôt que de reculer devant cet immense fossé financier, nous préparons un nouveau dossier et un nouveau business plan avec la banque d’affaires : en intégrant la ROSCO comme si elle avait déjà dit oui. Car si cet investisseur s’embarque avec nous, les cartes seront redistribuées. Nous ne serons plus la petite start-up que tout le monde regarde du coin de l’œil, nous serons l’entreprise qui a tout fait toute seule. Qui a trouvé ses financements malgré l’absence totale d’aide fournie par les autorités françaises et européennes. Ces dernières n’auraient plus qu’à nous aider pour les garanties. Elles n’auraient plus qu’à être les héroïnes qui volent au secours d’une victoire de taille.