Adrien Aumont — Nous en sommes désormais sûrs, le géant de l’hôtellerie n’envisage pas de financer Midnight Trains dans son entièreté. Il nous faut un autre investisseur. Un financier capable de mettre un gros montant sur la table. C’est là qu’intervient le troisième géant qui s’est penché sur le destin de Midnight Trains. Une gigantesque société de gestion qui gère plusieurs fonds d’investissement, dont des fonds de croissance. Mais contrairement aux deux autres, elle avait déjà fait une courte apparition dans notre aventure.
Romain Payet — Nouveau retour en arrière. Des mois plus tôt, le business angel dont nous vous avons déjà parlé (celui qui a levé des millions auprès de fonds très différents) avait évoqué cette société de gestion. L’une des plus importantes de France, avec pignon sur rue. Elle investit chaque année dans des centaines d’entreprises différentes, via ses différents fonds dont elle investit les capitaux. Cependant, à moins que vous bossiez dans le secteur, son nom ne vous dirait probablement rien. Elle fait partie de ce monde de l’ombre, celui qui finance sans jamais communiquer sur lui même. Il semblait alors à notre ange que Midnight Trains pourrait intéresser cette société de gestion. Et inversement. Et pour cause, il nous annonce qu’on parle de tickets de 15 ou 20 millions d’euros. C’est précisément ce qu’il nous faudrait pour boucler notre financement et lancer notre première ligne. Il nous avait donc mis en relation avec l’un des pontes de cette société de gestion. Qui ne nous a jamais répondu…
Évidemment, après un certain temps, nous avons arrêté de compter sur cette réponse. Sans pour autant oublier cette société d’investissement. Au moment où nous avons établi la liste des cibles de notre dernier roadshow, nous avons donc glissé ce nom dans la liste. Après tout, il s'agissait d'une vraie cible du premier tiers. Cet envoi allait peut-être rappeler à notre contact qu’il nous doit un coup de fil.
Adrien Aumont — Et bingo, cette gigantesque société d’investissement nous répond positivement. Elle est intéressée à l’idée d’investir dans Midnight Trains, et d’investir assez d’argent pour aller au bout. Elle gère notamment un fonds dédié à la smart city, la ville intelligente, la métropole de demain. Grâce à celui-ci, elle investit dans des entreprises permettant de créer une urbanité plus moderne, plus durable et plus vivable. Y compris dans des acteurs du transports décarbonés. Or, si vous avez bien lu tous les épisodes de Joli Futur, vous le savez : le train de nuit est l’un des champions de la catégorie. Loin devant la plupart de ses concurrents.
Bien sûr, ça n’a rien de simple. Nous avons beaucoup parlé avec eux. Nous avons échangé, en physique et en visio-conférence. Nous avons dégrossi beaucoup de sujets. Nous avons éprouvé certaines théories économiques présentées dans le projet. Nous avons produit de la documentation, beaucoup de documentation. Pour leur fournir toutes les informations dont ils ont besoin pour prendre leur décision finale. Celle qui pourrait être le point de départ de notre première ligne de trains de nuit réinventés.
Nicolas Bargelès — Nous avons passé toutes ces épreuves sans perdre l’intérêt de la société d’investissement, jusqu’à atteindre le partners pitch, la présentation devant les associés. Ce jour-là, nous débarquons avec la banque d’affaires dans de magnifiques bureaux dans le très cossu VIIIe arrondissement de Paris. La plupart des associés sont là, en présentiel ou en visio depuis certaines des plus grandes places financières de la planète, en Asie ou aux États-Unis. Ce sont tous des rock stars du milieu financier, des gens qui investissent des dizaines, des centaines de millions d’euros chaque année. Nous sommes dans le Saint des Saints du financement d’entreprises. Nous allons devoir assurer.
Bien sûr, ce ne serait pas drôle s’il n’y avait pas quelques grains de poussière dans la machinerie. Plusieurs associés étaient en retard. Un autre, basé à Singapour, ne nous voit pas. Et puis, l’outil informatique de projection ne fonctionne pas. Nous passons tout de même vingt longues minutes à trouver une solution. Quand des investisseurs de cette envergure attendent ta présentation, c’est une éternité. Ce sont des détails pénibles mais cela n’empêche pas la présentation en elle-même de bien se passer. Mais, à son issue, nous sentons que la salle s’est divisée en deux. Ceux qui y croient et ceux qui doutent franchement. Un ange passe jusqu'à ce que l’un des grands patrons mette les pieds dans le plat. Il nous dit que le train de nuit est démodé, que nos prix sont trop élevés. Il en veut pour preuve qu’il est allé à Barcelone pour 35 euros et que ça ne lui a pris qu’une heure quarante minutes. Vous l’aurez compris, il ne lit pas vraiment Joli Futur. Pire, sa vision du transport de personne est celle d’une mauvaise publicité de compagnie aérienne low-cost. Pour la ville décarbonée de demain, on repassera…
Adrien Aumont — Nous sortons de là mi-figue mi-raisin, sans véritable conviction sur ce qu’il vient de se passer. Nous nous asseyons donc dans un bar du coin. Nous sommes un peu sonnés, nous venons de faire le pitch qui pourrait tout changer mais nous ne savons pas si la fumée est blanche. Habemus financiam ? Pas sûr. Jusqu’à ce que nous recevions un mail de la banque d’affaires quelques jours plus tard.