Romain Payet — Trop start-up. Trop disruptif. Trop nouveaux sur le marché. Trop de chemin à parcourir avant l’acquisition des actifs. Voilà ce que nous reprochent beaucoup d’investisseurs potentiels depuis le début de cette aventure. Bref, à leurs yeux, nous avons l’air trop fragiles. Des poids légers sur lesquels il est trop risqué de parier. Même si nous croyons profondément en notre projet, il nous faut donc changer d’apparence. Prendre de la masse. En musclant nos points forts et en gommant nos faiblesses.
Pour cela, nous commençons par travailler la distribution. C'est-à-dire la vente des futurs billets de Midnight Trains. Et pour cause, comme l’entreprise n’existe pas encore, les trains et les lignes n’existent pas non plus. Certains fonds doutent donc des chiffres que nous avançons. Ils estiment qu’ils sont invérifiables. Et que, par extension, cela fausse nos projections de revenus et de rentabilité. Pour ajouter de la crédibilité à nos estimations, nous décidons donc de contacter tous les organismes, toutes les entreprises, susceptibles de nous distribuer lorsque les lignes seront enfin lancées. Et c’est Adrien qui s’y colle.
Adrien Aumont — Comme l’a évoqué Romain, je prends ce chantier en charge et je tape large. Très large, mais sans jamais sortir du crédible. J’entre en contact avec les grandes agences de voyage françaises et internationales. Avec les plateformes de vente de billets de train et, plus largement, de voyages multimodaux. Et, enfin, avec de grosses sociétés, européennes ou américaines, qui distribuent des cartes de crédit et/ou des chèques de voyages. Ces dernières ont, malgré les apparences, pignon sur rue lorsqu’il s’agit de la distribution de ce type de produit.
Et plus les rendez-vous passent, plus le constat devient clair. Presque toutes ces maisons connaissent et apprécient Midnight Trains. Mieux encore, elles attendent des bonnes nouvelles sur notre avenir. Elles sont impatientes de pouvoir nous distribuer sur leurs plateformes ou au sein de leurs catalogues. Puisqu’elles sont toutes prêtes à nous aider, nous leur demandons de simuler la mise en vente de nos futurs produits et de nous dire ce qu’ils en ressort. Résultats : toutes les projections sont bonnes. Elles ne sont pas parfaites, évidemment, le produit est nouveau et original. Mais les chiffres vont dans notre sens. Au point que toutes ces maisons acceptent de nous écrire des lettres d’intérêt disant qu’elles nous distribueront quand nous serons sur le marché. Les seules qui refusent le font pour des questions de bande passante ou d’inadéquation avec leurs propres changements d’orientations stratégiques. Ces précieux documents viennent donc s’ajouter à la lettre d’intérêt du géant de l’hôtellerie qui ne s’est pas retiré de la course.
Nicolas Bargelès — Après la distribution, notre autre gros chantier de musculation est la traction. Soit le fait de savoir qui tractera nos trains avec ses locomotives. Pour ceux qui prennent notre aventure en cours, il s’agit de l’un des questionnements initiaux de notre projet. Nous nous demandons depuis longtemps si nous préférons le faire nous-mêmes, avec toute la liberté et toutes les contraintes que cela implique. Ou si nous préférons confier ça à quelqu’un d’autre, que ce soient des opérateurs historiques ou de nouveaux entrants. Mais dans le choc de simplification et de musculation que nous essayons de créer, il n’y a plus vraiment de question. Il nous faut un gros nom, un très gros nom, pour assurer notre traction. Même si cela peut changer plus tard. C’est pour cela que je me remets en relation avec les équipes d’un potentiel opérateur en France, avec lequel nous sommes en contact depuis longtemps, pour savoir si elles peuvent nous aider. Évidemment, elles peuvent. Elles en ont même envie. Car, comme nous l'avons déjà expliqué par le passé, nous avons eu plusieurs manifestations d’intérêt, et même des soutiens dans ce milieu. Des gens qui aiment l’innovation ferroviaire, et voient dans le train de nuit la possibilité de développer leurs activités. Des hommes et des femmes qui, en plus de leur intérêt à aider les nouveaux entrants sur le marché, nous soutiennent avec le cœur et croient sincèrement en nous. Une lettre d’intérêt nous est donc promise sur le sujet de la traction.
Romain Payet — Vous l’aurez compris, ces noms sont les muscles dont nous avions besoin. Avec un opérateur pour la traction et des géants de l’hôtellerie, du voyage et de la banque à la distribution, nous n’avons plus le même profil. Si nous étions qu’une simple start-up sans envergure, ils ne nous feraient pas confiance. Ils ne s’engageraient pas par écrit à collaborer avec nous. Notre dossier en sort grandi, alourdi au sens noble du terme. Il peut prétendre boxer la catégorie de poids du dessus. Il ne nous reste donc plus qu’à l’envoyer à des investisseurs potentiels. Mais uniquement ceux qui connaissent déjà le ferroviaire.