Romain Payet — Sur les cinq ROSCO qui sont entrées dans la phase 2 du roadshow, seules deux sont encore dans la course au moment du début de la phase 3. C'est-à-dire qu’elles seules viennent visiter les usines de notre constructeur, en Europe de l’Est. Maintenant qu’elles sont en nombre réduit, il est temps de vous dire quelques mots sur ces entreprises qui louent des locomotives, des wagons et des voitures de passagers. La première est non-européenne et elle a pignon sur rue.
La seconde est originaire d’Europe et elle est intervenue dans l’aventure de Midnight Trains bien avant ce roadshow. Un de nos contacts a joué l’entremetteur de luxe et nous a présenté au directeur de cette ROSCO. Dès le début, il s’est montré intéressé par notre projet, par notre approche nouvelle et novatrice du train de nuit. Au point qu’il a mis l’un de ses experts sur notre dossier. Il lui a demandé de fouiller notre modèle avec nous, de nous assister et de nous accompagner dans son perfectionnement, afin d’en corriger les incertitudes et d’en renforcer les points forts. Au fil du temps, nous avons donc développé une véritable relation avec cette équipe, ses membres sont nos sparring-partners depuis longtemps. Rien de surprenant donc à ce qu’ils fassent partie du dernier carré.
Bref, nous organisons donc deux voyages, un pour chacune des équipes. Sauf, que comme toujours, nous ne faisons pas les choses comme ceux qui nous ont précédés. Car personne ne nous a précédé. Nous sommes donc obligés d’expliquer au constructeur qu’il y aura deux visites et qu’il ne faudra pas parler d’une ROSCO à l’autre, et inversement. Le constructeur n’aime pas ça, il veut son argent et commencer à fabriquer nos trains. Il est habitué à ce qu’il n’y ait qu’un seul financeur, souvent une autorité publique, qui lui tend un chèque en lui donnant une date butoir. Mais finalement, les choses se font. Nous l’avons déjà évoqué dans de lointains épisodes mais nous avons des intérêts convergents. Ce constructeur ne s’est pas embarqué avec Midnight Trains que pour le contrat. Il ambitionne aussi de diversifier son portefeuille de clients et de cibler certains marchés en Europe.
Chacune des équipes se rend donc sur place et se livre à un immense audit, de plusieurs jours. Les ingénieurs évaluent l’usine, les différents ateliers, les méthodes de construction, la capacité du constructeur à livrer les trains à temps, la sélection des fournisseurs, le respect des normes de sécurité, des normes ESG (Environnementaux, Sociaux et de Gouvernance), etc. Ils passent tout au crible, tout. D’un bout à l’autre de la possible production de ces trains et, soyons honnêtes, cela représente pour nous une source de stress. Nous avons choisi ce constructeur avec soin mais ce n’est pas un des géants occidentaux du secteur. Heureusement, les deux ROSCO valident notre constructeur. Elles jugent toutes les deux que si ces trains voient le jour, ce seront de bons trains, bien produits, bien construits et dans un délai raisonnable. Qu’elles sont donc prêtes à acheter ces actifs, à quelques conditions.
En effet, il faut bien comprendre que les ROSCO regardent un peu les choses comme si elles investissaient dans l’immobilier. Maintenant qu’elles ont vérifié que les murs de l’immeuble sont solides, elles doivent s’assurer que le locataire pourra payer le loyer. Mais le locataire, c’est nous et pas une grosse entreprise de fret ferroviaire. Plutôt que de vérifier si Midnight Trains peut fonctionner, elles tablent donc sur le fait que nous allons faire faillite à un moment ou à un autre. Et qu’elles devront alors remplacer le matériel roulant qu’elles ont acheté pour nous auprès d’une autre entreprise. Qu’il leur faudra un nouveau locataire pour ce bel appartement. Mais sur ce sujet, elles divergent. Du simple au triple. Le délai de réaffectation du matériel roulant estimé par l’entreprise européenne est trois fois supérieur à celui estimé par son homologue non-européenne. Or, pour se protéger d’un éventuel problème, il y a une solution simple : nous demander de payer à l'avance le loyer pour cette potentielle période. La différence entre les deux propositions se joue en millions d’euros. Ce n’est pas anodin.
Vous vous en doutez, malgré notre proximité avec la ROSCO européenne, notre choix se porte sur la non-européenne. Mais bien évidemment, il ne suffit pas de prendre cette décision pour qu’elle nous achète les deux premiers trains dont nous avons besoin pour lancer notre première ligne. Elle demande des garanties mais aussi la garantie que les locomotives et les sillons soient sécurisés, que le schéma opérationnel soit solide, que nous soyons capables de monter une équipe performante et que nous ayons les fonds pour tout ça, pour le lancement de cette première ligne. Ce qui, bien évidemment, va demander de franchir d’autres obstacles.
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