Depuis leur invention par George Pullman et Georges Nagelmackers, les trains de nuit apparaissent et disparaissent du rail, souvent soumis aux aléas du destin et de l’histoire. Mais plutôt que de parler des légendaires trains d’un autre temps comme l’Orient-Express, nous commençons cette semaine une série d’articles consacrés à ceux qui se sont vus retirés des rails plus récemment. Pour commencer, nous nous penchons donc sur le Trenhotel, le glorieux train de nuit de la Renfe espagnole.
Le nom du Trenhotel a le mérite d’être clair. Lancés en 1991 par la Renfe, le réseau de chemins de fer espagnols, ces trains avaient tout simplement pour ambition d’être à la fois des trains et des hôtels. En d’autres termes, ils devaient permettre aux passagers de profiter de leur nuit grâce à un train bien conçu, confortable et à un service à bord d’une grande qualité. Une ambition qui, chez Midnight Trains, ne peut que nous parler.
Pour fournir un service à la hauteur de cette promesse, les équipes de la Renfe avaient donc mis les bouchées doubles. Dans les premiers temps de leur mise en service, elles avaient équipé leurs trains d’un service de self, d’une cafétéria ou encore de restaurants aux cartes variées, souvent élaborées par des chefs de renom. Les voyageurs des classes supérieures disposaient même d’un petit-déjeuner inclus, d'un accès à un lounge et d’un parking gratuit dans leur ville de départ. Bref, tout ce qu’un hôtel de qualité pourrait fournir mais en se réveillant à destination.
Mais qu’on ne s’y trompe pas, le Trenhotel n’était pas uniquement réservé aux voyageurs les plus riches. Ce dernier proposait un total de huit classes différentes, quatre étant faites d’alignements de sièges classiques et quatre autres de cabines. Les premières s’organisaient en doubles rangées classiques de deux ou en rangées de deux accompagnées d’une rangée seule. Le confort des assises allait ensuite de l’ultra basique aux sièges inclinables permettant presque de s’allonger complètement. Un spectre plutôt large donc.
Côté cabines aussi, il y en avait pour tous les portefeuilles. Les plus accessibles, appelées cama turista, se présentaient sous la forme d’une petite pièce de quatre lits superposés et d’une petit lavabo. Les plus luxueuses, les cama grand clase, avaient une disposition identique mais autrement plus spacieuse. Mais surtout, elles contenaient une véritable douche, parfaitement fonctionnelle. De quoi arriver à destination frais et dispo, parfaitement prêt à affronter une journée de tourisme ou de boulot.
Il est tout de même à noter que toutes les versions du Trenhotel ne contenaient pas exactement la même chose. Certaines classes pouvaient en effet ne pas êtres disponibles en fonction des destinations desservies, de même pour certains systèmes de restauration. Et pour cause, le Trenhotel avait une sorte de particularité régionale qui se retrouvaient jusque dans les noms de chacun d’entre eux. Ainsi, celui qui reliait Barcelone à Grenade s’appelait l’Alhambra, en référence au célèbre palais de la ville andalouse du même nom tandis que celui qui reliait Cádiz à la capitale catalane portait le nom du grand poète Antonio Machado. Une certaine idée de la poésie.
Cette belle aventure que fut le Trenhotel a pourtant pris fin en deux temps. D’abord, ce sont d’abord les liaisons internationales avec la France, la Suisse et l’Italie - opérées par Elipsos sous le nom de Trenhotel - qui ont été progressivement arrêtées entre 2012 et 2013 pour différentes raisons. C’est ensuite la pandémie de Covid-19 qui a signé la mise au rebut définitive de ces trains pourtant très aimés des voyageurs. D’abord arrêtée en même temps que le reste du réseau ferroviaire espagnol, cette ligne est restée au hangar quand le reste du rail s’est progressivement remis en marche. Très largement commentée par la presse espagnole, visiblement émue par le sujet, cette décision reste pour l’instant d’actualité sine die. Il semblerait en effet que la remise en route du Trenhotel ne soit pas la priorité de la Renfe, sans que beaucoup plus d'explications n’aient été données au public.
Avec le Trenhotel, c’est donc une partie de la culture du train de nuit européen moderne qui s’est éteint. Heureusement, comme nous vous l’avons raconté dans notre série sur les nouveaux acteurs du rail, plusieurs entreprises comme Midnight Trains sont déjà sur les rails pour prendre la suite. Vous n’aurez d’ailleurs pas manqué de remarquer qu’il existe d’importantes proximités entre la philosophie initiale du Trenhotel et celles de nos hôtels sur rail. Cela dit, soyez rassurés, nous n’avons pas conçu nos trains de la même manière que les ingénieurs espagnols des années 1990. Et nous languissons de pouvoir le prouver en vous y accueillant. A bientôt donc.