Ce qui devait arriver arriva. Comme elle l'avait annoncé en 2022, la SNCF, l’opérateur historique du marché français, a confirmé une hausse du prix de ses billets de train au 10 janvier 2023. Bilan : une augmentation moyenne de 5% pour ses TGV et ses Intercités, notamment liée à la crise des prix de l’énergie. Toutefois, ces hausses de tarifs ne s’appliqueront pas sur tous les trains. Elles porteront essentiellement sur les tarifs dits maximum, soit ceux que le yield management permet de facturer à des prix très élevés aux usagers qui réservent au dernier moment. Elles s’appliqueront aussi à la clientèle professionnelle puisque tous les billets “Business Première" ainsi que les abonnements “Liberté”, “Max Actif” et “Max Actif +” augmenteront de 5%.
A l’inverse, la SNCF a décidé de protéger les tarifs minimum qui sont, en toute logique, ceux qui sont pratiqués au moment de l’ouverture des ventes. Par ailleurs, comme l’a rappelé Alain Krakovitch, le directeur de TGV Intercités, dans les colonnes du journal français Le Parisien, les grilles tarifaires des Ouigo sont gelées. De plus, les prix et les avantages des cartes Avantage, Max Jeune et Max Senior ne seront pas modifiés. Ces décisions ne sont pas le fruit de la seule volonté de la direction de l’entreprise. Elles sont également dictées par la demande expresse du gouvernement français de mettre en place un bouclier tarifaire pour protéger les voyageurs les plus modestes. Ce qui est bien le minimum dans un pays qui ambitionne de faire doubler la part modale du ferroviaire au cours des années 2030 malgré des infrastructures cruellement vieillissantes.
Comme toutes les entreprises et tous les particuliers, SNCF Voyageurs est touchée par la monstrueuse crise des prix de l’énergie. Sauf que lorsqu’on est le premier consommateur d’électricité industrielle du pays, la moindre augmentation peut créer des effets dévastateurs. En engloutissant 7 térawattheures par an, le géant ferroviaire consomme à lui seul entre 1% et 2% de la production française d’électricité et environ 10% de l’électricité industrielle. Une énergie essentiellement utilisée pour faire rouler les milliers de trains quotidiens de la SNCF et, dans une mesure bien moindre, pour le fonctionnement des nombreuses gares du pays.
Bien évidemment, lorsqu’on consomme autant d’électricité, elle n’est pas achetée au jour le jour. Ainsi, en 2022, 95% de celle-ci était déjà négociés à des tarifs régulés. Toutefois, les 5% restants ont été soumis aux prix du marché spot, ce qui a fait grimper la facture de la SNCF à 600 millions d’euros. Comme l’a expliqué son président Jean-Pierre Farandou devant la commission de l'Aménagement du territoire et du développement durable du Sénat, cela représente le double du budget prévu pour l’année en question. “Au tarif actuel, on aurait à ce stade un surcoût pour la seule électricité de 1,6 à 1,7 milliard”, a-t-il ajouté à propos de l’année 2023, durant laquelle certains contrats devraient se terminer. Difficile dans un contexte pareil de ne pas procéder à des choix stratégiques drastiques. “Nous faisons face à un surcoût de 13 % en 2023, nous prendrons donc plus de la moitié à notre charge. Nous pouvions faire le choix de réduire l’offre ou renoncer à nos investissements, nous ne l’avons pas souhaité. Nous voulons poursuivre le développement de l’offre, tout en continuant à proposer des tarifs attractifs, expliquait quant à lui Christophe Fanichet, le PDG de SNCF Voyageurs, à la fin de l’année dernière.
Du côté du fret ferroviaire, la situation pourrait également devenir problématique. Bien que celui-ci soit reparti à la hausse en 2021 après des années catastrophiques dues à la pandémie de Covid-19, le secteur estime aujourd’hui que sa survie est en danger. Et pour cause, avec un mégawattheure vendu presque dix fois plus cher en 2023 qu’en 2021 par SNCF Réseau aux acteurs du marché, ces derniers craignent d’être rapidement étranglés par les prix de l’énergie. Surtout les plus petits d’entre eux pour lesquels il est inenvisageable de travailler avec un tel surcoût. Sans surprise, ils ont donc demandé de l’aide au gouvernement. Depuis la fin de l’année 2022, ils ont exprimé deux requêtes extrêmement claires : un plafonnement du prix du mégawattheure à 180 euros et la prise en charge par l’Etat de l’intégralité des péages que leur facture SNCF Réseau. Sachant que, comme le rappelle le journal français Les Echos, une telle mesure a déjà été prise en 2020 et que 50% de ces péages sont d’ores et déjà compensés. Reste à savoir si le gouvernement répondra à cet appel à l’aide ou s’il continuera, comme le lui reproche l’Alliance 4F — qui regroupe les acteurs du secteur —, à considérer le fret ferroviaire comme une variable d’ajustement. Dans ce dernier cas, ce moyen de transport de marchandises central dans la transition écologique ne devrait pas tarder à se replier au profit des camions qui, faut-il le rappeler, sont beaucoup plus polluants.