Nicolas Bargelès — Après la maintenance, le matériel roulant. La logique est implacable. Et on commence par les voitures. Pourquoi elles plutôt que les locomotives ? Pour une raison très simple : il n’y a rien à dire sur le sujet. Circulez, y’a rien à voir. Eh bien oui, vous le savez, nous en avons déjà parlé par le passé, nous avons un constructeur en Europe de l’Est qui n’attend que notre signal pour lancer la production de nos voitures de train de nuit réinventées. Elles sont bien conçues, adaptées à nos besoins et dans nos prix. C’est pour ça que nous-mêmes n’attendons qu’une chose : réussir notre levée de fonds. Mais c’est une autre histoire que nous vous raconterons durant la prochaine saison de Confidences.
Sur les locomotives en revanche, il y a des nouvelles, de très bonnes nouvelles. Comme nous l’avons longuement expliqué dans ces colonnes, les machines interopérables fonctionnant sur une route France-Suisse-Italie et Italie-Suisse-France n’existent pas vraiment sur le marché à l’heure actuelle. Cependant, cela devrait très vite changer. Les deux principaux acteurs du marché, Siemens et Alstom (qui a récemment racheté Bombardier) se sont tous les deux tournés vers le marché français avec des modalités différentes. Maintenant que leurs machines interopérables se sont pas mal répandues à travers les zones traversées par des corridors européens de fret, l’hexagone — qui voici quelques années se distinguait par un processus d’homologation plus compliqué que dans d’autres pays — leur apparaît comme un possible relais de croissance. Ainsi, Alstom fait évoluer sa plateforme Traxx héritée de Bombardier pour couvrir les besoins du trafic voyageurs. Du côté de Siemens, il existe une locomotive plus universelle, un peu plus élaborée, qui pourra d’emblée faire les deux.
L’arrivée annoncée de ces solutions a un autre effet positif. Elle nourrit l’appétit des ROSCO (rolling stock companies), les loueurs de locomotives, pour le marché français et le marché international passant par le territoire français. Ces dernières ont donc déjà presque toutes signé des accords-cadres avec l’un ou l’autre de ces constructeurs. Or, des locomotives qui n’ont plus besoin d’être changées à la frontière éliminent des coûts, ce qui est bon pour notre business plan.
Enfin, et ce n’est pas anodin, l’ETCS — le système unifié de contrôle des trains européens — commence à porter ses fruits. Son installation progressive dans tout le Vieux Continent rend la circulation des trains internationaux de plus en plus simple. Les premiers équipements coûtaient chers mais ils sont désormais industrialisés à large échelle et les points de passages transfrontaliers se traversent un peu plus facilement. Même si quelques nouveaux défis, tels que les différentes versions d’équipements, se font jour. Mais quand on ambitionne d’établir un réseau européen de trains de nuit, ces évolutions ne sont pas anodines. Loin, très loin de là.
Adrien Aumont — Le sujet des locomotives a quelque chose d’unique et de révélateur à nos yeux. Contrairement à tous les autres sujets, l’arrivée à maturité du marché français et européen joue enfin en notre faveur. Contrairement à toutes les autres problématiques auxquelles nous avons fait face, nous n’aurons peut-être pas besoin d’emprunter des chemins de traverse. Nous ne devrons pas nous plier, nous insérer dans les interstices pour parvenir à nos objectifs. La solution vient à nous, d’elle-même, sans que nous ayons besoin de faire des pieds et des mains. Le mouvement du marché nous est favorable alors que nous n’en sommes pas les principaux instigateurs. Nous sommes au bon endroit et au bon moment. Enfin presque puisque, comme vous l’aurez compris, il y aura vraisemblablement une période de quelques années durant lesquelles nous devrons malgré tout changer de locomotives à certains franchissements de frontières. Mais cela ne durera pas et, au bout du tunnel (ferroviaire, évidemment), il y a le Graal de toute entreprise comme la nôtre : une locomotive parfaitement interopérable entre les pays traversés. Reste seulement à choisir laquelle. Car, pour d’évidentes raisons de maintenance, nous ne papillonnerons pas entre Alstom-Bombardier et Siemens. Notre choix sera presque certainement définitif. Heureusement, nous avons encore un peu de temps devant nous pour cela.