A chaque siècle, sa ceinture emblématique autour d’une grande ville ? Entre expansion de leurs territoires et évolution des modes de déplacements qui les régissent, les villes n’ont eu de cesse de développer ces boucles-rocades protéiformes. Tantôt dans le désir de délimiter une frontière, tantôt dans l’optique de la repousser au-delà d’un territoire devenu par trop étriqué. Paris ne manque pas d’exemples en la matière avec sa Petite Ceinture au XIXe siècle donc, puis son périphérique routier au XXe et à présent, son Grand Paris Express.
Le Grand Paris Express, quésaco ? Ce n’est rien de moins que le projet ferroviaire urbain le plus important d’Europe actuellement, et il y en a grand besoin. Pour le comprendre, il suffit de regarder la carte des transports de Paris et de sa région. On ne va pas se mentir : sauf à savoir où l’on va, elle a de quoi être vertigineuse d’interconnexions. A l’ausculter plus en détail pourtant, ce réseau parmi les plus denses au monde, s’est articulé empiriquement autour de lignes tentaculaires qui avaient pour but de connecter le cœur de Paris aux villes nouvelles de banlieue, situées au bout des différentes lignes du Réseau Express Régional (RER).
C’était la fin des années 1970 et à l’époque, tout le monde trouvait ça formidable. Mais voilà, à trop vouloir connecter Paris à sa périphérie, les décideurs ont laissé de côté quelque chose d’essentiel : connecter les différentes villes de périphérie entre elles, sans que leurs habitants n’aient à passer nécessairement par Paris. Aujourd’hui, la sentence est irrévocable : les lignes sont saturées aux heures de pointe, ce qui n’est pas pour encourager les citoyens à un judicieux abandon de leur voiture individuelle.
Si l’enjeu de la qualité de l’air est important, l’enjeu économique l’est tout autant pour des décideurs qui veulent préserver l’attractivité et le dynamisme de leurs territoires. C’est justement dans cette perspective que dès le début des années 1990, naît l’idée d’une sorte de super métro en rocade tout autour de la métropole parisienne. Il faudra pourtant attendre 2010 pour qu’enfin, le projet soit acté. Si l’ambition a été lente à formaliser, elle n’en est pas moins impressionnante.
Avec ses 200 km de voies ferrées, ses 68 gares et son impact urbain de 140 km2 sur les territoires, le Grand Paris Express constitue le plus grand projet d’aménagement urbain en Europe. Quatre nouvelles lignes de métro, intégralement automatiques, viendront le composer et sa mise en service progressive est prévue de 2024, année où Paris accueillera les Jeux Olympiques, à 2030.
A chantier pharaonique, coût titanesque. Initialement estimé à 26,6 milliards d’euros en 2013, sa facture totale a été revue à la hausse en 2020, pour un montant total de à 42 milliards. Une fois l’ensemble de ses lignes mises en service, cet investissement devrait permettre à 2 millions de voyageurs de l’emprunter, chaque jour, avec l’espoir qu’enfin, Paris et sa région connaissent un désengorgement salutaire pour la qualité de vie de ses habitants et de ses usagers.
Il reste encore quelques années avant de pouvoir monter à bord de ces nouvelles liaisons ferroviaires, et à la lumière de l’histoire de la Petite Ceinture, difficile de ne pas s’empêcher d’imaginer l’avenir, dans plusieurs dizaines d'années, de ce nouveau réseau. Qui sait si au XXIIIe siècle prochain, celles et ceux qui viendront après nous lui auront réservé une destinée toute autre ? Un peu à la façon de ce que la Petite Ceinture est à présent devenue pour les promeneurs de ses sillons végétalisés, les agriculteurs de ses parcelles de plantation et les habitués de ses gares devenues tiers-lieux.