Un train qui arrive en gare, sous un ciel radieux, avant de ralentir progressivement pour finalement s’immobiliser. Et le ballet habituel de commencer : les voyageurs arrivés à destination descendent des wagons, alors que d'autres se dirigent vers leur voiture pour y prendre place. Rien d’extraordinaire, nous direz-vous, et pourtant !
Ce qui pourrait ressembler à s’y méprendre à une scène estivale récente, se déroule en réalité en 1895, sur un quai de la gare de La Ciotat, non loin de Marseille. On reconnaît à ses vêtements très apprêtés la bonne société de l’époque, qu’elle soit locale ou en visite. Et si la majorité des passagers aux fenêtres attend tranquillement le départ du train, on distingue chez certains, un regard intrigué pour un objet qu’il nous est impossible de voir.
Cet objet, c’est le cinématographe qui permet à Louis Lumière d’immortaliser pour la première fois, ce moment. Les regards observateurs ont de quoi être interrogatifs : celui qui avec son frère Auguste, fait figure de précurseur du cinéma, doit en effet activer la manivelle pour ne rien perdre des ces instants et réaliser ainsi un film de 50 secondes. L’un des premiers au monde, rien que ça, et c’est le train qui en est indéniablement le héros !
L'Arrivée d'un train en gare de La Ciotat, c’est l’histoire d’un film mythique, qui participa de la mythologie alors en construction de l’épopée ferroviaire. A cette époque, tout le monde ne prend pas le train et ce nouveau moyen de transport interroge encore certains. Et la première projection du film de Louis Lumière va vous en donner une idée plus précise...
C’est le 25 janvier 1896 à Lyon, la ville des frères Lumière, qu’est organisée la présentation au public de ce film muet. Les spectateurs prennent place et la salle de plonger dans une obscurité de bon aloi. L’écran projette alors l’image paisible du quai provençal détaillé plus haut et le public voit alors progressivement la locomotive venir à sa rencontre. Sueurs froides et peurs irrépressibles s’emparent de l'assemblée. Si aucun son n’émane du film, les cris d’effroi des spectateurs assurent une bande assurément originale, alors qu’ils courent vers le fond de la salle, quand la poudre d’escampette ne les a tout simplement pas fait déguerpir hors des lieux !
Le magazine allemand Der Spiegel rapporte la première avec ces mots : “ce court métrage a eu un impact particulièrement durable ; oui, il a provoqué la crainte, la terreur, et même la panique”. Et au final, cette projection chaotique aura pour effet d’assurer...des guichets fermés aux suivantes. Photographe de profession, Louis Lumière a su trouver la profondeur de champ qui favorise cet effet, lors du tournage, contribuant à créer en quelque sorte le premier film d’épouvante, fort malgré lui !
Faites-vous en une idée plus précise en découvrant cette pièce de l’histoire du cinéma, grâce à une version retravaillée de sorte à vous proposer une haute définition d’image. Mieux encore, découvrez une version qui aurait donné plus encore la chair de poule aux spectateurs de 1896, avec cette vidéo du réalisateur Patrice Leconte qui en 1995, reprit la même position en gare de La Ciotat pour y filmer le passage du TGV, cette fois !