Au mois de novembre 2018, le Maroc a connu une inauguration en grande pompe. Celle de la première ligne à Grande Vitesse du royaume chérifien, Tanger-Kenitra-Casablanca, qui est aussi la première de l’ensemble du continent africain. Un évènement de taille auquel a assisté le roi Mohamed VI lui-même, en compagnie du président de la République française Emmanuel Macron. Pourquoi un tel invité de marque pour un projet aussi profondément national que celui d’une construction de LGV ? Tout simplement parce que la France n’est pas pour rien dans la construction de cette ligne. Loin de là.
Longue de 350 kilomètres, dont 200 sont circulables à 320 kilomètres/heure, cette LGV relie la ville de Casablanca à celle de Tanger en 2h10, contre 4h45 avant sa mise en service. Si la distance peut paraître relativement réduite, les travaux, qui ont tout de même commencé en 2011, ont impliqué la pose de 700 000 traverses, 7 400 poteaux caténaires et 1 600 tonnes de ballast, le mélange de pierres sur lequel reposent les voies de chemin de fer. Au niveau des ouvrages architecturaux, ce sont 169 ponts-routes et 12 viaducs qui ont dû être construits pour boucler ce projet. Parmi eux, le plus impressionnant est sans aucun doute le viaduc d'El Hachef. Reposant sur des pieux de béton enfoncés à 60 mètres de profondeur, celui-ci mesure 3,5 kilomètres et a été doté de détecteurs permettant de prévoir les risques sismiques et climatiques. Enfin, pour permettre le passage de ce train nommé Al Boraq, signifiant “L’éclair”, les équipes de construction ont dû remodeler la nature elle-même en asséchant certaines zones et en remplaçant parfois les matériaux friables des sous-sols par des galets et du gravier.
Un projet titanesque dont le budget s'élève à 2 milliards d’euros, soit un peu moins de 22 milliards de dirhams. Une somme qui a été financée à environ 50% par la France grâce à différents prêts. La participation française dans la création de cette LGV ne s’arrête toutefois pas là puisque la SNCF a mis son savoir-faire à la disposition des services du royaume marocain. Si les deux pays se sont retrouvés autour de ce projet, c’est parce qu’il sert leurs objectifs respectifs, différents mais parfaitement compatibles. De son côté, le Maroc veut se positionner comme un hub africain incontournable afin d’attirer les investissements étrangers. La France compte quant à elle faire de cette LGV une vitrine pour décrocher d’autres contrats du même type sur le continent.
Pour parvenir à son but, le royaume chérifien a mis les petits plats dans les grands et ne s’est pas arrêté en si bon chemin. Le gouvernement marocain prévoit désormais d’étendre cette ligne jusqu’à Marrakech, un haut lieu du tourisme national que l’on ne présente plus. Une autre ligne devrait également relier cette même ville à Agadir, autre zone très appréciée par les visiteurs étrangers du Maroc. En janvier 2022, le ministre du Transport et de la Logistique a annoncé que cette politique d’extension du ferroviaire à Grande Vitesse coûterait au moins 100 milliards de dirhams, soit environ 10 milliards d’euros. Et d’ajouter que cela devrait nécessairement passer par un partenariat public-privé.
Il n’est cependant pas certain que la construction de ces nouvelles lignes se fasse en compagnie de la France. Bien que celle-ci soit évidemment intéressée par l’idée d’y participer, un groupe chinois, appelé Zhong Neng Xuan Zong Industrial et décrit comme étant contrôlé par Pékin, est aussi sur les rangs pour la ligne Marrakech-Agadir. Évidemment, si le Maroc faisait le choix de l’Empire du Milieu, cela l’obligerait à privilégier le matériel roulant chinois plutôt que les wagons produits par Alstom utilisés pour sa première LGV. Ce tracé, long de 230 kilomètres, permettrait de désenclaver toujours un peu plus les territoires du sud du Maroc, ce qui constitue l’autre objectif de la politique ferroviaire du Maroc. Selon France Info Afrique, une vingtaine d’hectares aurait déjà été achetée par l’Office national des chemins de fer (ONCF) après la conduite de plusieurs études de faisabilité.
Ces deux nouvelles lignes ne sont toutefois, elles aussi, qu’une petite partie de l’ambitieux projet ferroviaire marocain. A en croire Mohamed Abdeljalil, le ministre du Transport et de la Logistique, l’ONCF prévoit la construction d’un total de 1 300 kilomètres de lignes à Grande Vitesse et 3 800 autres de lignes traditionnelles à horizon 2040, afin de relier 43 villes à travers tout le pays. Une vision dont on ne peut que se féliciter tant on rêve déjà de pouvoir sillonner les splendeurs chérifiennes depuis l’un de ces trains.