Quand on parle du futur, deux visions s’affrontent systématiquement. Sur ma gauche, celle des écrivains, des cinéastes et des créateurs de jeux vidéo. Un avenir sombre, apocalyptique. Où le monde est ravagé par la folie des êtres humains, sous contrôle des robots ou en proie à d’horribles maladies. Avec des paysages allant du rouge sang au gris déprimant en passant par d’inquiétantes teintes de violet. Sur ma droite, la vision des techno-patriarches et des exploiteurs de la transition écologique. Dans celle-ci, le futur est ultra-technologique mais respectueux de la nature. Le mode de vie et de consommation des habitants de la Terre n’a pas changé mais l’innovation technologique a sauvé le monde de sa perte. Le grand destin de l’Humanité a été protégé par sa propre créativité sans qu’elle ait besoin de se remettre en question. Quelque part entre les deux, il y a une infinité de possibles liés, notamment, aux choix que nous ferons en termes de politiques de transport de voyageurs. Et pour cause, toutes les technologies que nous avons évoquées dans cette rubrique ne sont pas durables et écologiques. Loin de là.
Les plus décevants :
On commence donc avec les deux technologies les plus décevantes au plan écologique : la téléportation et la voiture volante. Nous l’avons évoqué récemment, la première demanderait un déploiement d’énergie absolument délirant pour une utilité parfaitement contestable. La seconde serait au minimum aussi polluante qu’un petit avion. Sauf que contrairement à ce dernier qui pourrait avoir un intérêt très restreint, la bagnole des airs n’en aurait absolument aucun. Si ce n’est celui de satisfaire le petit égo des très riches. Quels que soient sa propulsion et son niveau de pollution, sa production ne pourrait donc être qu’une perte sèche au plan écologique. La durabilité passe aussi par le fait de produire moins et de produire utile.
Enfin, il y a le train à Très Très Grande Vitesse. Pourquoi lui ? Pourquoi mettre une balle à ce train qui — même s’il a peu de chance d’exister — serait sûrement électrique et peu polluant ? Eh bien parce qu’il n’y a pas que la propulsion qui pollue. Il y a aussi la construction des infrastructures. Or, comme nous l’expliquait Patricia Pérennes, économiste des transports au sein du cabinet Trans-Missions, en saison 2, une ligne de TGV n’est pas sans conséquences. Il faut aplanir et remodeler l’entièreté de la nature pour qu’elle puisse exister. Le passage d’un train deux ou trois fois plus rapide serait donc encore plus exigeant, avec toutes les conséquences que l’on peut imaginer.
Les améliorables :
Maintenant, on passe à la catégorie de ceux qui pourraient être de véritables solutions de transport durables et écologiques s’ils fournissent un petit effort. Les deux premiers sont l’avion à hydrogène et le train à hydrogène. Ils souffrent du même défaut, qui n’a rien d’un secret : l’hydrogène n’est presque jamais vert. Seuls 5% de la production mondiale le sont. Comme l’a indiqué la Chambre de Commerce et d’Industrie, les 95% restants sont dits gris, soit produits grâce à des énergies fossiles. Il va donc falloir mettre un sérieux coup de collier pour devenir véritablement green. Même constat pour l’avion au SAF (Sustainable Avion Fuel, le carburant durable pour avions) qui a du pain sur la planche. D’une part, il devra se concentrer sur des SAF eux-mêmes verts. Mais surtout, il devra trouver un moyen de supprimer le kérosène de son équation finale. Sans quoi, il restera un écran de fumée visant à verdir l’aviation sans véritable impact écologique.
Enfin, autres cas difficiles et controversés : ceux de l’avion solaire et de la voiture autonome. L’un comme l’autre sont des élèves prometteurs. À condition de prouver leur utilité au sein d’une organisation multimodale des transports. Ben ouais, a-t-on vraiment besoin d’un avion qui ne transporte rien ou presque ? Ou d’une voiture bardée d’électronique dont la production a un important coût écologique ? Rien n’est moins sûr mais il semble raisonnable de leur accorder le bénéfice du doute. Après tout, une intelligence artificielle conçue à cet effet pourrait conduire de manière plus respectueuse de l’environnement qu’un être humain. Reste à la créer et à en prouver l’efficacité.
Les prometteurs :
On finit avec les technologies sur lesquelles nous comptons pour créer un futur sain pour nos enfants et les enfants de nos enfants. La première d’entre elles est bien évidemment la voiture électrique. Alors oui, elle nécessite du lithium. Mais elle représente un tel changement par rapport à son homologue thermique qu’il est impossible de ne pas la classer dans cette catégorie. Seule réserve : elle doit être accompagnée d’un changement de paradigme. Elle doit s’accompagner d’une production réduite, d’un usage raisonné et doit s’alimenter auprès d’une source d’électricité durable. Rien ne sert de remplacer les moteurs thermiques pour une voiture fonctionnant à une électricité mal sourcée.
On termine avec nos deux chouchous. D’abord, ce sont des trains et on est un peu partial sur le sujet (mais seulement sur celui-ci). Ensuite, le biogaz a le bon goût de réutiliser des éléments polluants pour faire avancer des trains. Comme nous l’a expliqué Maria Lee, experte Logistique et Transport au sein du cabinet Sia Partners, il constituera une exceptionnelle technologie de transition pour remplacer les trains au diésel. Il faudra ensuite passer à autre chose : une méthode d’électrification applicable à toutes les zones géographiques ou un hydrogène propre. Enfin, il y a le train de nuit, qui peut rouler à l’électricité, au biogaz, à l’hydrogène ou à quoi que ce soit d’autre. Et qui, par sa simple existence, rend inutiles de nombreux vols en avion. Qui existe déjà et qui manque aux gens. Qui doit être réinventé mais qui ne demande que ça.