Adrien Aumont — Certains mails font plus plaisir que d’autres. Comme celui que nous avons publié la semaine dernière et que nous recevons quelques jours après le partners pitch raconté dans l’épisode précédent. En substance, la banque d’affaires nous écrit qu’elle a eu un retour très positif de la société de gestion. Ses partenaires aiment le projet et veulent continuer à avancer dans la direction d’un financement. Les échanges avec leurs équipes reprennent et, sans plus attendre, nous nous lançons dans la production d’une nouvelle documentation pour répondre à leurs ultimes questions. Pour les convaincre que Midnight Trains peut et va gagner de l’argent. Que contrairement à ce que pense le partenaire qui va à Barcelone en avion pour 35 euros, le prix de nos billets est adapté au marché. À un marché qui aime le train de nuit, qui veut qu’il soit réinventé, qui veut voyager de manière décarbonée et qui sait que ce sera bientôt la norme. Que notre modèle fonctionnera parce qu’il est ancré dans son époque. Sur la base de cette documentation, les équipes et les partenaires continuent à creuser, toujours plus profond, pour éprouver Midnight Trains dans son entièreté.
Romain Payet — Après deux rendez-vous avec le groupe hôtelier et quatre autres (dont le partners pitch donc) avec la société de gestion, leurs deux gouvernances s'enclenchent. Pour résumer, le long processus qui mène jusqu’au déclenchement concret de l’investissement se met en branle. Cela passe par un certain nombre de niveaux de discussion, de réflexion et de validation. Il ne faut pas oublier que ce sont des groupes d’une taille colossale. Rien ne s’y fait en un claquement de doigt. Chaque décision doit remonter la longue échelle de l’autorité jusqu’à arriver au sommet de la pyramide.
Bien sûr, à chaque étape, nous communiquons avec les uns et les autres. Nous parlons du groupe hôtelier à la société de gestion et inversement. Tant et si bien que, au bout d’un moment, les deux géants décident de se parler entre eux. Nous ne savons évidemment pas exactement ce qu’ils se disent. Mais dans les grandes lignes, ils veulent tous les deux investir dans Midnight Trains et réfléchissent donc ensemble à la meilleure manière de le faire. À ce à quoi pourrait ressembler l’attelage final, l’investissement de chacun et ainsi de suite. Ils passent tout en revue, les éléments les plus capitaux et les petits détails.
À ce moment-là, autant vous le dire, le moral est au beau fixe. Cette conversation entre les deux géants est de bon augure. Quelle équipe ce serait ! Un gigantesque financier capable de mettre la somme dont nous avons besoin sur la table. Un partenaire stratégique d’ampleur mondiale qui apporte de la crédibilité au projet et rassure le financier. Deux noms qui ont aussi le bon goût de rassurer la ROSCO, l’entreprise qui va acheter les trains pour nous les louer, qui commence un peu à s’impatienter.
Adrien Aumont — Bref, nous continuons à avancer aux côtés de nos deux futurs investisseurs pour les accompagner jusqu’à l’émission d’une lettre d’intérêt de la part de chacun d’eux. Nous fournissons des documents, des informations, nous répondons aux ultimes questions pour lesquelles ils ont besoin de réponses. C’est un moment un peu hors du temps, deux semaines à patienter en continuant à faire ce qu’il faut. Toujours avec sérieux et optimisme. Nous le savons, dans ce genre de collaboration, rien n’est fait jusqu’à la dernière seconde.
Malheureusement, certains mails font moins plaisir que d’autres. Comme celui que nous avons reçu de la ROSCO durant ces deux semaines d’attente. Un mail qui, au milieu de la masse des publicités, des notifications LinkedIn et des alertes infos, avait quelque chose d’inquiétant. Rien de réjouissant en tout cas. Plutôt l’inverse. Qu’est-ce que c’est l’inverse de réjouissant ? Dans le cas présent, c’est l’annonce que la ROSCO nous lâche. Elle n’achètera pas nos trains et elle ne nous les louera donc pas. Nous l’apprendrons plus tard, elle a mobilisé tous ses capitaux pour racheter l’un de ses principaux concurrents. Nous le savions, ce genre d’entreprise n’aime pas laisser dormir l’argent. C’est un vrai coup dur mais l’aventure ne s’arrête pas à ça. Après tout, nous avons encore deux géants penchés sur notre berceau.