Désolé, mais votre bulletin météorologique hebdomadaire adoré est désormais annulé. Oui, on sait, vous êtes un peu déçus car vous adorez les vannes sur les gens qui portent des Birkenstocks même si nombre d’entre nous en font partie. Mais franchement, entre les alertes canicules, les alertes orages, les alertes à la grêle en plein mois de juillet, on s’y perd. Rassurez-vous, malgré la fin de nos prédictions sur la pluie et le beau temps, nous continuons nos recherches prospectives sur les mobilités du futur. A commencer, bien évidemment, par ce troisième épisode sur le train au biogaz.
Comme nous l’avons vu au cours des semaines précédentes, ce dernier pourrait être une solution relativement écologique pour remplacer les trains fonctionnant encore au diésel en attendant une technologie propre plus pérenne. Et pour cause, la production du biogaz reposant sur la transformation de déchets, elle ne peut pas être éternelle. Ni même envisagée comme une alternative long-termiste. Avant de nous pencher sur la possibilité de son passage à l’échelle, il faut d’abord nous interroger sur la taille de la flotte ferroviaire à remplacer. Or, sur le sujet, les chiffres sont clairs. Selon une étude de Statista, menée entre 2012 et 2021, la France compte encore 1335 locomotives diésel, contre 1073 locomotives électriques. Le passage à une solution plus écologique est donc loin d’être anecdotique. Même si, une fois encore, le train a pas mal d’avance sur ses concurrents aérien et routier sur les questions de décarbonation. “Ce sont essentiellement des TER et des trains de fret qui roulent encore avec ce carburant. Les TGV et les Intercités fonctionnent sous caténaires. Et, bien évidemment, ce serait un contre-sens écologique absolu de faire circuler au biogaz sous catenaires”, Maria Lee, experte logistique et transports au sein du cabinet Sia Partners. Pour rappel, selon le site de la SNCF, ce carburant représente 26% de l’énergie consommée et 77% des gaz à effet de serre émis par le TER de l’hexagone.
Elle ajoute : “La technologie est mature et nous savons rénover les trains pour qu’ils soient compatibles avec mais il faut prendre le temps de rénover les motorisations des trains concernés”. Soit sur la base des prix évoqués dans notre premier épisode (entre 200 000 et 500 000 euros par train), un montant total compris entre 267 et 667,5 millions d’euros pour l’ensemble des locomotives concernées. Une goutte d’eau en comparaison des 231 millions d’euros dépensés par le pays pour — seulement — acheter douze trains à hydrogène destinés à quatre régions pionnières : Auvergne-Rhône-Alpes, Bourgogne-Franche-Comté, Grand Est et Occitanie. Bien sûr, on peut se réjouir de cette commande de tortillards nouvelle génération en se disant qu’il vaut mieux sauter directement à la case de l’hydrogène plutôt que de passer par celle du biogaz. Sauf que 95% de l’hydrogène actuellement disponible est produit dans des conditions aussi dramatiques pour la planète que celles du pétrole. Mais ne nous étendons pas là-dessus aujourd’hui, nous l’avons déjà fait dans un épisode précédent.
Maintenant que nous savons qu’il est financièrement possible de faire passer la flotte de locomotives diésel au biogaz, une autre question se pose. Peut-on fournir assez de biogaz pour faire rouler celle-ci ? Et si oui, peut-on le déplacer dans de bonnes conditions pour qu’il soit utilisé là où nous en avons besoin ? Au niveau de la production, la meilleure réponse se trouve dans l’étude réalisée par la très pionnière région Nouvelle-Aquitaine avec l’aide de Solagro. Dans cet document, elle estime qu’elle “pourrait devenir autonome en gaz en produisant 19 TWh de gaz par méthanisation (90% de la ressource mobilisable) et 8 TWh par pyrogazéification de bois-énergie (env 20% de la ressource mobilisable)” grâce au déploiement de 800 unités de méthanisation à horizon 2050. “A l’horizon 2030, la région pourrait déjà atteindre 30% de gaz verts avec le déploiement de près de 300 unités de méthanisation, filière la plus mature”, complète l’étude. A priori, rien d’insurmontable donc. D’autant plus que toutes les régions sont capables de produire du biogaz puisque celui-ci peut s’appuyer sur la méthanisation de produits très différents. Ceux-ci vont des déchets agricoles comme les déjections animales et les résidus de récoltes, jusqu’aux boues de stations d’épuration en passant par les déchets verts ou les déchets d’industries agroalimentaires comme les abattoirs, les vignes ou les laiteries. Or, breaking news, toutes les régions sont concernées même si c’est à des échelles différentes.
Cette capacité à produire le biogaz localement résout à elle seule une partie de la question sur le transport de ce carburant. Pour le reste, Maria Lee nous rappelle que celui-ci n’a de toute façon pas vocation à être transporté sur de longues distances. Il existe en effet un marché permettant d’acheter des unités de biogaz produites ailleurs pour décarboner virtuellement l’usage d’un train ou d’un autre moyen de transport. Pour résumer, si vous n’avez pas accès au biogaz près de chez vous, vous utilisez un carburant classique mais vous achetez une unité de biogaz à quelqu’un qui en produit un système imparfait certes mais qui a le mérite d’exister. Enfin, l’experte nous rappelle que, comme l’indiquait une étude réalisée par son cabinet, le développement d’une filière de train au biogaz pourrait créer 10 000 emplois. Un joli bonus face auquel aucun élu n’oserait faire la fine bouche.