Et voilà, pour beaucoup d’entre nous, c’est déjà la fin de l’été. Comme le chantait Laurent Voulzy dans Derniers Baisers, il est donc temps de se quitter (pas nous hein, nous on reste dans vos boîtes mail tous les samedis matin). C'est plutôt le moment où il faut dire au revoir à ceux qu’on ne voit que pendant les vacances. Les copains qui habitent loin et ceux qu’on a découvert dans un apéro, les amours impossibles rencontrés dans un bar de plage et les cousins dont on se dit qu’ils ne nous avaient pas manqué. Tout ça en dégoulinant à cause de la canicule qui écrase l’Europe après des semaines de flotte et de froid.
Alors oui, c’est vrai, nous avions promis de ne plus parler de la pluie et du beau temps. Mais là, comme nous n’aimons pas tellement mélanger notre transpiration à celle des autres au moment des embrassades aoutiennes, il devient urgent de décarboner tout ce qui peut l’être. À commencer par les transports. Ne serait-ce que pour sauver le charme des amours de vacances. On ne parle pas assez de l’impact du dérèglement climatique sur les idylles.
Or, ça tombe bien, la technologie que nous allons traiter durant cette nouvelle saison n’a rien d’obscure ou de confidentielle. Bien au contraire, elle a déjà séduit de nombreux leaders politiques et industriels à travers le monde. Mieux encore, de monstrueuses commandes ont d’ores et déjà été passées et certains prototypes sont d’ores et déjà déployés. Ça y est, vous l'avez ? Oui, bravo, c’est bien du train à hydrogène que l’on parle. “Contrairement à l’avion à hydrogène, les technologies sont matures, il n’y a pas de gros verrou technologique à faire sauter, juste des verrous réglementaires. Comme le prouve le déploiement de certains trains, notamment en Allemagne”, explique Maria Lee, experte Logistique et Transport au sein du cabinet Sia Partners. En effet, très en avance sur le sujet, le pays de Goethe a déployé dès 2018 plusieurs trains Coradia iLint d’Alstom fonctionnant avec cette énergie que l’on nous décrit comme si prometteuse. Ce qui, d’après l'Étude sur les perspectives du train hydrogène en France de l’Ademe, l’agence française pour la transition énergétique, valide “pour la première fois la faisabilité et la maturité de la technologie hydrogène pour le ferroviaire”. Dont acte.
En France d’ailleurs, la SNCF nous annonce sur son site que “12 trains Régiolis H2 ont été commandés par 4 régions”, des rames bi-modes à l’électricité et à l’hydrogène qui seront définitivement testées en 2024 et mises en circulation en 2025. En Italie, le gouvernement a récemment débloqué 300 millions d’euros pour avancer sur plusieurs projets du même type. Et ainsi de suite. Un peu partout dans le monde, notamment au Moyen-Orient et en Chine, des projets de trains à hydrogène voient le jour. Mais pourquoi un tel engouement ? Pourquoi cette technologie-là fait-elle l’unanimité auprès des dirigeants des pays les plus riches de la planète ? Est-ce vraiment “l’avenir de la mobilité” comme l’annonçait le président d’Alstom France le 1er février 2023 à la gare de Loches, où son monomode 100 % hydrogène a été testé en France pour la première fois.
Parce qu’il est écologique ? Non, en tout cas pas tant que la filière de production de l’hydrogène ne le sera pas. Si cela arrive un jour, les choses seront différentes. Mais en attendant, comme nous l’avions déjà constaté dans notre saison sur l’avion à hydrogène, cette production d’hydrogène propre ne devrait pas être viable avant 2035. Alors parce qu’il est rentable ? Là encore, nous sommes loin du compte. Les trains à hydrogène sont en fait extrêmement onéreux à ce stade du développement de la filière. “Ceux qui achètent des trains à hydrogène aujourd’hui jettent l’argent par les fenêtres. C’est contre-productif économiquement et écologiquement alors qu’il y a des solutions de transition en attendant que les coûts baissent et que la filière soit prête”, analyse encore Maria Lee. “Si l’Allemagne, qui est très en avance sur le sujet, le fait, c’est parce qu’elle y voit une énergie du futur et qu’elle a décidé de développer tout ce qui l’entoure, dans une logique de soutien à une économie, à une industrie et à ceux qui y travaillent. Il s’agit d’une certaine forme de subvention d’Etat, d’une décision stratégique. C’est pour cela que les Allemands ont adossé cela à la création d’une filière et d’un consortium”, poursuit l’experte.
Bref, malgré son succès, le train à hydrogène tient — pour l’instant — davantage du pari écologico-politique que d’une certitude de décarboner de manière faisable. D’ailleurs, en Allemagne justement, certaines régions sont déjà en train de faire machine-arrière sur le sujet, alors que des flottes de tortillards à hydrogène sont déployées dans le pays. Un coup dur certes, qui ne signifie toutefois pas qu’il faille abandonner complètement.