Bakerloo, Piccadilly, Victoria, Central, Waterloo… Tous ceux qui ont déjà eu la chance de se rendre à Londres connaissent probablement ces noms, ceux des 11 lignes de métro qui sillonnent la capitale britannique et transportent quotidiennement plus de 5 millions de passagers. Ce que l’on sait moins, c’est que le 24 mai 2022, une petite nouvelle a fait son apparition au sein du plus vieux réseau de métro du monde, ouvert en 1863. Un timing exceptionnel puisqu’elle a été nommée en hommage à la reine Elizabeth II qui célébrait son jubilé quelques jours après son inauguration, avant de nous quitter à 96 ans le 8 septembre 2022.
L’Elizabeth Line, puisque c’est donc son nom, n’est cependant pas une ligne comme les autres. Financièrement d’abord, puisqu’elle a coûté la modique somme de 19 milliards de livres sterling, soit environ 22 milliards d’euros, dont 70% ont été financés par les impôts des habitants de la ville. Géographiquement ensuite, puisqu’elle traverse le Grand Londres d’Est en Ouest et promet désormais de rallier l’aéroport d’Heathrow en 34 minutes depuis la City, le quartier d’affaire de l’Old Smoke. Logistiquement enfin, puisque les travaux ont pris 13 longues années et ont impliqué d’excaver des millions de tonnes de terre dont 3,5 ont servi à agrandir l’île de Wallasea, dans l’Essex, et d’en faire une réserve naturelle. Tout ça à une profondeur moyenne de 30 mètres et avec la nécessité de traverser trois fois la Tamise, le fleuve qui sinue au sein de la capitale du Royaume-Uni.
Plus étonnant encore, la construction de l’Elizabeth Line a représenté un important chantier archéologique. Comme dans la plupart des grandes villes anciennes, le sous-sol de Londres regorge sans surprise de vestiges du passé. Dans le cas présent, le plus impressionnant d’entre eux est indéniablement la fosse commune contenant 3 300 corps enterrés à l’époque de la grande peste de Londres, qui a été retrouvée au niveau de la station Liverpool Street. Peu de gens le savent mais la gestion du patrimoine archéologique souterrain est un problème récurrent lors des constructions de réseaux de transports en commun dans des cités aussi chargées d’histoire que Rome, Paris ou autres.
Mais si de tels travaux ont été lancés, c’est parce que les Londoniens en avaient bien besoin. Surnommé le “tube”, le métro de la plus grande ville du Royaume est connu pour son ancienneté, son étroitesse et sa saturation légendaire. Pour éviter de reproduire les erreurs du passé, cette nouvelle ligne a été conçue très différemment de ses homologues plus anciennes. D’après le site de Transport for London, les nouvelles stations créées pour le passage de cette ligne permettent de se déplacer facilement et sont accessibles à tous. Plus étonnant encore, l’organisme public soutient l’idée que chacune d’elles possède son propre caractère visuel, sa propre ambiance, grâce aux travaux de différents artistes et architectes. Une unicité qui, dans le cas de la station Farringdon, s’illustre notamment à travers Avalanche, une œuvre de Simon Periton : 45 panneaux de verre de 3 mètres de haut où des diamants semblant être en mouvement ont été imprimés numériquement. Le journal français Le Monde évoque quant à lui “l’esprit cathédrale” qui imprègne ces nouvelles stations. Comprendre qu’elles sont spacieuses, dotées de grands couloirs facilitant la circulation et ont une importante hauteur sous-plafond évitant la sensation étouffante que connaissent bien les usagers du métro de la capitale britannique. Les quais mesurent quant à eux 250 mètres de long afin de pouvoir accueillir les trains de 11 wagons produits par Alstom.
Du côté du rythme, l’Elizabeth Line a promis à son ouverture une cadence d’un train toutes les cinq minutes, soit douze trains par heure. Avec pour objectif de faire passer ce rythme à un train toutes les deux minutes trente, soit vingt-quatre trains de l’heure. De quoi s’engager à transporter 150 millions de passagers chaque année et de faire augmenter de 10% le trafic au sein du Grand Londres. Les Londoniens se sont d’ailleurs précipités sur cette ligne au nom royal dès son ouverture. Au matin de son premier jour d’exploitation, 10 000 d’entre eux ont été comptabilisés avant 10H à la station Canary Wharf et 14 000 à Paddington, pour un total de 130 000 personnes dans les quatre premières heures de son fonctionnement.
Ce succès peut aussi s’expliquer par le fait que les Londoniens attendaient l’Elizabeth Line depuis longtemps. Et pour cause, celle-ci a finalement été livrée avec quatre ans de retard et avec un dépassement de budget de, seulement, 400 millions de livres sterling, soit plus de 463 millions d’euros. Cette ligne s’accompagne toutefois d’une mauvaise surprise puisqu'une augmentation des tarifs a été validée par les différentes forces en puissance : la mairie de Londres dirigée par Sadiq Khan, TFL et le gouvernement britannique. Ainsi, selon la célèbre BBC, un trajet entre le centre de la ville et l’aéroport d’Heathrow coûtera 12,5 livres sterling sur l’Elizabeth Line contre 5,5 livres sterling via la Piccadilly Line. Appelons cela le prix de la modernité.