Dépêchez-vous, le train va partir ! Alors que vous courez comme un dératé à travers la gare londonienne de King’s Cross en poussant votre chariot de bagages, vos parents ne cessent de vous presser. Vite ! Vite ! A quelques mètres, vous apercevez la voie 9 ¾, celle que les moldus qui déambulent autour de vous ne voient pas. Vous foncez dans le mur de pierre et vous vous y enfoncez sans le moindre problème. De l’autre côté, un splendide train à vapeur rouge et noir crache de grands volutes de fumée blanche. Vous sautez à bord, le sifflet hurle et la locomotive se met en marche. Ouf, vous êtes bien à bord du Poudlard Express et vous n’allez pas rater votre rentrée dans la plus grande école de magie du monde.
Si cette scène vous est familière, c’est soit que vous avez lu/vu la saga Harry Potter, soit que vous êtes un sorcier. Si par contre vous ne correspondez à aucun des deux profils précédemment évoqués, vous devez être franchement perdus et nous nous en excusons. Petit cours de rattrapage rapide pour ceux qui n’ont pas suivi donc. Dans le monde fantastique inventé par J.K. Rowling, les jeunes sorciers étudient dans une école de sorcellerie dans laquelle on se rend grâce à un train magique. Immortalisé par les films inspirés des romans, ce splendide tortillard qui fascine littéralement les fans, les Potterheads comme on les appelle, ne sort toutefois pas de nulle part. Comme pour beaucoup d’autres éléments de son œuvre, l’autrice s’est tout simplement inspirée de la véritable société britannique. En l'occurrence, trois trains bien réels.
Le premier d’entre eux s’appelle The Jacobite Steam Train. Opéré par la compagnie West Coast Railways, ce vieux train à vapeur circule d’avril à octobre entre la ville de Fort William et le port de Mallaig. Entre les deux, il parcourt 84 miles, soit un peu plus de 135 kilomètres, à travers les splendides paysages des Highlands. Les passagers ont la chance d’y observer Ben Nevis, le point culminant des îles britanniques, le Loch Morar, qui a servi à faire des plans rapprochés du lac de Poudlard, le célébrissime viaduc de Glenfinnan et le Loch Nevis, l’un des plus profonds loch d’eau de mer d’Europe. Autant vous dire que vous n’avez jamais été aussi près de pénétrer le monde des sorciers. Mais en attendant d’y parvenir, vous pourrez aussi profiter des magnifiques villages particulièrement pittoresques qui se trouvent sur le parcours, dont Lochailort, Arisaig et Morar.
Si le Jacobite Steam Train est probablement celui qui ressemble le plus au Poudlard Express des films, la légende veut que deux autres trains moldus aient inspiré J.K. Rowling : le Flying Scotsman et le Royal Scotsman. Le premier, dont le nom pourrait se traduire par “l’Ecossais volant”, relie pour sa part Edimbourg, la capitale écossaise, depuis la fameuse gare de King’s Cross. Remise en service en 2016 après dix ans d’arrêt, sa splendide locomotive de 97 tonnes de métal tracte un train d'un autre âge. Le second est lui aussi complètement hors du temps. Et pour cause, à bord, il n’y a ni Wifi ni prises électriques. La seule chose à faire est de profiter de l'expérience ferroviaire que propose ce trajet où la magie la plus prégnante est indéniablement celle du passé.
A l’intérieur, cette magie prend la forme d’une décoration et une ambiance édouardiennes époustouflantes. Durant les longues heures paisibles de ce voyage, vous aurez l’occasion de vous relaxer sur les larges fauteuils recouverts de tissus, dans des salons aux murs recouverts de panneaux de bois. Si le cœur vous en dit, vous pourrez aussi prendre l’apéritif au bar du train où des musiciens jouent avec talent pour les passagers. Enfin, quand l’heure de dîner sera venue, vous pourrez vous attabler à l’une des tables à nappe blanche du restaurant gastronomique où virevoltent des serveurs en livrée. Enfin, ce train d’un luxe sans limite embarque un spa (oui, vous avez bien lu) et comprend une voiture d’observation spécialement conçue pour profiter des paysages des Highlands.
Si vous prenez le temps de parcourir le Royaume-Uni via le rail, vous découvrirez peut-être d’autres trains, d’autres lignes de chemin de fer ou d’autres lieux qui vous donneront l’impression d’être derrière l’un des plus grands succès de la littérature jeunesse de tous les temps. Et c’est bien normal. Comme nous l’ont prouvé d’autres auteurs avant J.K. Rowling, chaque écrivain plaque son propre regard sur le monde ferroviaire. Ainsi, tandis qu’Agatha Christie y voit le lieu d’un crime potentiel, Emile Zola y voit le décor d’une métaphore sociale et Blaise Cendrars le thème d’un immense poème d’amour et de voyage. Ainsi, vous verrez peut-être des références magiques là où d’autres ne voient rien. Un détail, un objet, un paysage ou un personnage vous évoquera peut-être dans votre esprit un passage de cette œuvre si profondément british. En effet, c’est bien là le plus grand point commun entre les trains et les livres : ils sont tous d’incroyables moteurs pour notre imaginaire, qui souvent se rejoignent. Cela n’a donc rien d’un hasard si les écrivains et les cinéastes les aiment autant.