Nous l’avons déjà expliqué ici grâce à de nombreux chiffres, le train est beaucoup moins polluant que l’avion. La différence est d’ailleurs tellement importante qu’elle a engendré un phénomène que l’on appelle Flight Shame, soit le fait d’avoir honte de prendre l’avion. Popularisé depuis 2018 par l’activiste écologiste Greta Thunberg, dont la simple existence semble énerver tous les partisans d’un monde bien carboné, ce terme trouve donc ses origines en Scandinavie. Car avant de devenir un anglicisme, celui-ci a d’abord été un mot suédois, flygskam, qui se forme des mots flyg qui signifie avion ou aviation et skam qui signifie honte et/ou déshonneur.
S’il a moins fait baisser le nombre de vols que le Covid-19, ce sentiment de honte a tout de même eu un véritable impact sur le trafic aérien. Dès le mois d’avril 2019, Swedavia, l'entreprise publique qui gère les principaux aéroports de Suède, rapportait une baisse de 15% du nombre de personnes fréquentant ses aérogares. Selon le journal français Les Echos, dans le même temps, la Swedish Railways enregistrait une hausse de 8% de son nombre de passagers, avec une augmentation encore plus haute, de 12%, en ce qui concerne les voyageurs d’affaires. Plus étonnant encore, le pays de Fifi Brindacier accueille même depuis quelques années un salon des vacances en train. On ne sait pas vous mais c’est beaucoup plus notre came que les salons du camping-car qui peuplent les émissions de reportages.
Dans le reste du monde dit occidental, notamment en France où le président de la République a brûlé 480 tonnes d’équivalent CO2 pour aller voir deux matchs de foot au Qatar, les choses avancent un peu plus doucement. Ainsi, toujours en 2019, un sondage de l'Union des banques suisses, réalisé aux Etats-Unis, en Allemagne, en France et au Royaume-Uni, révélait que 21 % des sondés prétendaient avoir déjà réduit leurs déplacements en avion avant la pandémie. En 2021, c’est une autre étude, de l’Ifop celle-là, qui montre que 55 % des interrogés se disent prêts à choisir leurs vols et destinations de voyage en fonction des émissions et impact carbone des avions. De bien belles déclarations qui sont toutefois mises à mal par le fait que l’aérien soit brutalement reparti à la hausse depuis qu’il est à nouveau possible de voyager librement.
Pour résumer, la Flight Shame est encore loin d’être suffisamment lourde à porter pour que les Européens et les Nord-Américains préfèrent le train à l’avion. Toutefois, nous en sommes bien conscients, le fait de passer au tout-ferroviaire pour les courts et les moyens courriers — soit plus ou moins tous les trajets inférieurs à 3 000 kilomètres — n’est pas si simple. Nous le savons tous, le secteur aérien est lourdement soutenu par les gouvernements tandis que les réseaux ferroviaires des principaux pays européens ont progressivement été réduits aux lignes les plus rentables. De plus, la temporalité de notre époque est celle de l’immédiateté, de la téléportation. C’est pourquoi il est impossible aujourd’hui à un patron d’imaginer que l’employé qu’il envoie à l’étranger mette plus de deux heures à faire un Paris-Berlin. Pourtant, s’il le faisait en sept ou huit heures dans un train de nuit avec un bon réseau Wifi, il ne serait pas moins productif. Il serait juste beaucoup moins polluant et beaucoup moins fatigué. Peut-être même plus économique. Même topo pour un vacancier pour qui il est inimaginable de passer son premier et son dernier jour de congé dans un train plutôt que sur une plage. Alors qu’il pourrait partir un jour plus tôt et télétravailler dans un train afin de protéger les côtes sur lesquelles il aime tant surfer. Mais tout cela demande un certain sens de l’adaptation.
C’est pour ça qu’il y a un autre concept, qui découle directement de la honte de l’avion, que certains tentent bien malheureusement d’appeler “l’avionte”, dont nous aimerions vous parler. Ce concept, c’est celui du Train Brag que l’on pourrait traduire par “fierté de prendre le train”. Toutefois, cette traduction-là n’est pas tout à fait exacte. En réalité, le verbe anglais to brag signifie plutôt se vanter ou encore se la péter. Par extension, le Train Brag consiste donc plutôt à se la raconter quand on grimpe dans un tortillard plutôt que dans un avion, qu’on emprunte un moyen de transport deux cents fois moins polluant que celui qui nous aurait coûté moins cher et qui nous aurait pris moins de temps.
Après tout, nombreux sont celles et ceux qui utilisent les réseaux sociaux pour montrer au monde à quel point leurs voyages sont exceptionnels, à quel point leurs assiettes sont splendides et à quel point leurs enfants sont créatifs. D’autres encore inondent Internet de leurs séances à la salle de sport ou postent quotidiennement le nombre de kilomètres qu’ils courent chaque matin durant leurs séances de running. Mais ne leur en voulons pas, nous le faisons tous d’une manière ou d’une autre tant le bragging fait partie de la nature humaine. Pour une fois, nous vous proposons donc d’en faire quelque chose de plus noble que d’habitude en vous la racontant à chaque fois que vous prenez la voie du fer plutôt que celle des airs. D’une part, nous espérons que nos hôtels sur rails vous donneront envie de le faire. D’autre part, c’est une excellente façon de lutter contre ceux qui accusent l’écologie d’être trop culpabilisatrice. #TrainBrag.