Au cours des plusieurs éditions de Midnight Weekly, l’impact du secteur aérien sur le dérèglement climatique a été au cœur de notre attention. En lançant Midnight Trains, nous sommes en effet animés par la conviction qu’une alternative aussi durable que confortable comme nos hôtels sur rails, peut épargner un grand nombre de tonnes de dioxyde de carbone (CO2) à l’humanité.
Alors que nous nous attachons à réenchanter la mythologie des trains de nuit, nous avions envie cette semaine de revenir sur deux mythes somme toute bancals, souvent agités pour expliquer combien le secteur aérien ne polluerait pas tant que ça. Amateurs de désintox et de déboulonnage de fake news, le Réseau Action Climat s’est en effet penché sur la question, pour contrebalancer les litanies du lobby du secteur aérien. Essentiel pour comprendre les enjeux avec toutes les cartes en main.
Premier mythe : le secteur aérien ferait figure de “contributeur mineur de l’effet de serre’’ car après tout, la contribution officielle du transport aérien aux émissions mondiales CO2 n’est estimée qu’à 2%. Un chiffre qui se base sur des émissions qui remontent à…2006! Avec une croissance annuelle du trafic passager d’environ 5%, la contribution toujours officielle du transport aérien serait plus proche de 2,5% des émissions de CO2, aujourd’hui.
Modeste au premier abord, l’impact du transport aérien sur le climat est en réalité disproportionné. Si le transport aérien était un pays, il serait classé 21e en termes de PIB, mais avec près de 700 millions de tonnes de CO2 émises en 2012, il occuperait la place de 7e pollueur au monde. C’est autant que l’Allemagne, rien que ça. Et encore, cette comparaison ne tient compte que des émissions de CO2 directement liées à la consommation de kérosène, quand d’autres pollutions générées par les avions ont un impact puissant sur le climat, elles aussi.
A l’image de la vapeur d’eau, causée par les avions, qui contribue à la formation de traînées blanches de condensation favorisant l’apparition de nuages cirrus qui réchauffent la surface de la Terre. Non moins dangereux sont les oxydes d’azote (NOx) rejetés en altitude par les réacteurs, qui augmentent la concentration de l’ozone (O3) et du méthane (CH4), d’autres gaz à effet de serre. En tenant compte de tout cela, le transport aérien est alors à l’origine de 4,9 % du réchauffement climatique mondial. C’est massivement mortifère.
Deuxième mythe : ‘‘Plus de passagers = moins d’émissions de CO2’’. Alors que le secteur aérien promet une division par deux de ses émissions d’ici à 2050 par rapport à 2005, ces objectifs s’avèrent intenables au regard des prévisions de trafic. Le volume du trafic aérien mondial double tous les quinze ans depuis le milieu des années 1970. A titre d’exemple, le nombre de passagers a bondi de 20%, passant de plus de 2,5 milliards en 2008 à 3 milliards en 2013, soit une hausse annuelle de 4,7%. Au rythme de +5% par an environ, le trafic aérien devrait être 4 fois plus important en 2040 qu’en 2010 selon les prévisions de l’Organisation de l'aviation civile internationale (OACI).
Responsables de plus de la moitié du trafic mondial aujourd’hui, l’Europe et l’Amérique du Nord resteront parmi les plus grands contributeurs. La hausse du trafic sera particulièrement marquée au Moyen-Orient et dans la région Asie-Pacifique qui devrait représenter à elle seule près de 40% du trafic aérien mondial en 2030. Des prévisions de croissance inquiétantes, puisque le secteur aérien pourrait absorber jusqu’à 17% de la consommation mondiale de pétrole d’ici à 2050.
Ce qui faisait déjà dire à une étude de référence publiée en 2013, que si rien n’est fait, les émissions du transport aérien devraient tripler d’ici à 2050, voire être multipliées par 4 à 6 par rapport au niveau de 2010, selon l’OACI. Une tendance fondamentalement incompatible avec l’objectif de maintenir le réchauffement climatique bien en deçà des 2°C, ainsi que défini par l’Accord de Paris.
Contrairement à ce qu’affirment l’industrie et les compagnies aériennes, les innovations d’efficacité technologiques et de procédés dans le secteur ne suffiront pas à compenser la hausse de trafic. Même dans le scénario le plus poussé, les projections révèlent un fossé de 153 à 387 millions de tonnes de CO2 pour atteindre l’objectif de 50% de réduction d’émissions pour 2050, soit environ le tiers des émissions actuelles.
Face à ces mythes, le Réseau Action Climat n’est pas en reste à l’heure de proposer des mesures essentielles, à mettre en œuvre aux échelles internationale, européenne et française. Jugez plutôt.
Au niveau international
Au niveau européen
Au niveau français