Naples, c’est la ville préférée de Victor le Masne, le magicien de l’acoustique à qui notre compagnie doit notamment la playlist qui susurre à vos oreilles, chaque semaine. “On y prend la Méditerranée en pleine gueule, encore plus qu’ailleurs”, nous expliquait-il dans le portrait que nous lui consacrions, la semaine dernière. Car oui, aussi impétueuse et volcanique que soit Naples, les flots du Mare Nostrum qui la bordent, aident assurément cette cité au caractère bien trempé à trouver son point d’équilibre. Mettons donc le cap sans plus attendre sur cette ville qu’il faut connaître pour appréhender l’Italie dans tous ses paradoxes les plus attachants.
Comme dans toutes les villes méditerranéennes, c’est dans les ruelles de l’épicentre historique de Naples que vous commencerez à ressentir la délicieuse exubérance des lieux. Cette vieille ville a tout du chaudron qui ne dort jamais vraiment, un chaudron qui a gardé sa fibre populaire au fil des décennies et dans lequel mijote savoureusement l’art de vivre à la napolitaine. Tout y est spectacle, alors perdez-vous y, sans hésiter. Ses rues, ses immeubles, ses boutiques, ses églises, certes, et plus que tout, ce qui fait le sel de la ville : ses habitants. Il faut prendre le temps d’observer pour comprendre le lien puissant et invisible entre celles et ceux sans qui Naples ne serait pas muse, mais seulement musée.
Tenez-vous bien à présent : il n’y a pas une seule Naples, mais des Naples, histoire de justifier le s qui conclut le nom de la ville. Au fil des siècles, la cité n’a eu de cesse d’évoluer, de grandir et de se construire…sur sa précédente version. Vous voulez en avoir le cœur net? Prenez donc la direction de Napoli Sotterranea où vous jouerez les spéléologues-archéologues. C’est là que vous pénétrerez dans un souterrain où vous serez subjugué par la persistance d’un théâtre de l’époque romaine installé sous une maison ou encore un pan de l’Aqua Augusta, aqueduc construit entre 27 et 10 avant J.-C. sur les ordres de l'empereur Auguste, afin d’alimenter en eau les cités de la baie de Néapolis, la Naples originelle.
Restons d’ailleurs à l’époque de la Rome antique, pour découvrir que le côté dévergondé de Naples est inscrit dans son ADN depuis belle lurette. Aussi profane que religieuse, la ville a toujours eu un goût non-feint pour la bagatelle. Jugez plutôt en vous rendant au Musée archéologique de la ville. Si l’établissement vous émerveillera par nombre de ses pièces illustres (la collection Farnèse est à ce titre un bijou), c’est bien le Cabinet secret du musée qui éveillera les sens des âmes les plus enclines à la coquinerie. C’est là que vous découvrirez le rapport franchement décomplexé des Romains au sexe, et plus encore à l’un de ses symboles : phallus, priape et autres verges s’y exhibent sans complexe. Salle érotiquement diachronique, elle ne fut pas du goût de tous puisque Mussolini décida de la murer pour en condamner l’accès. Ils sont fous, ces fascistes.
Assez de temps anciens, Naples n’est pas le musée antique auquel certains aiment à la cantonner. Plusieurs galeries d’art contemporain sont là pour en témoigner et s’il ne fallait vous en citer qu’une, ce serait alors la galerie Alfonso Artiaco dont les expositions éclectiques et ouvertes sur le monde, font la renommée au-delà des frontières transalpines. Installée dans un palais de la place Nilo, le galeriste réussit le tour de force de mettre en miroir les murs prestigieux de son antre artistique avec la fine fleur des artistes actuels de renom. Et ça fait plaisir à contempler !
Irrémédiablement, les nombreuses beautés attenantes à la cité napolitaine vous inciteront à des expéditions hors de son intra-muros. Impossible d’aller à Naples sans prendre le temps de visiter le site de Pompéi, témoignage comme nul autre de la vie antique : cette cité fut ensevelie sous les cendres du Vésuve, la figeant éternellement. Dans un registre qui ravira les insulaires qui dorment en vous, prenez le large dès que vous en ressentirez le besoin. Procida et Ischia, posées face à Naples, vous offrent deux options : la première est la plus authentique avec sa population de pêcheurs, quand la seconde tire davantage sur la corde touristique non sans la légitimité de ses charmes naturels. Les plus inspirés d’entre vous pousseront jusqu’à la côte amalfitaine, la célèbre Costiera, où les criques turquoises le disputent aux chatoyantes collines.
Plus encore que dans la grande majorité des villes, il nous était inconcevable de vous laisser sur votre faim, à l’heure de vous rassasier. Car à Naples, l’alimentation est religion, alors sans faire plus de manières, à vos mains et fourchettes ! Un peu de douceur pour commencer : au petit-déjeuner ou à toute envie d’une pause sucrée, la sfogliatella est un incontournable. Qu’elle soit riccia (faite à base de pâte feuilletée) ou frolla (pâte brisée), elle se mange chaude pour révéler toutes les saveurs des ingrédients qu’elle renferme. Les meilleures sont à la Sfogliatella Mary et à l’Antico Forno delle Sfogliatelle Calde Fratelli Attanasio. En cette saison, il sera encore temps pour vous de goûter aussi aux struffoli, petites boules de pâte sucrée frite, souvent assemblées en forme de nid coloré.
On passe bientôt aux choses sérieuses, mais avant cela, vous aurez sans doute envie de lever le coude au moyen d’un verre de vin vivant. Deux adresses pour cela : Puteca qui compte avec nombre de quilles-pépites d’Italie et d’ailleurs, et Vineria Bandita installée au nord de la ville, là aussi avec un sourcing excellent. Si l’envie vous prenait ensuite de vous attabler, deux adresses sont à privilégier. Mimì alla Ferrovia, restaurant ouvert en 1943 et qui vous propose une cuisine napolitaine des familles, et la Salumeria Upnea, davantage en mode taverne qui fait dans le local pour son approvisionnement.
On vous a gardé le meilleur pour la faim! Si manger est religion à Naples, sa déesse protectrice est évidemment la pizza. La vraie, l’unique, vous jureront les Napolitains. Choisissez donc votre chapelle en essayant toutes celles-ci ! Le Vatican des pizzaioli se trouve sans au sein de l’Antica Pizzeria da Michele où vous ne saurez choisir entre la margherita, la pizza fritta (frite et bien bien farcie) et la marinara. Chez Sorbillo, vous ferez connaissance avec des fondamentalistes heureux du pâton enjoué et visité à toutes les sauces les plus exquises. Enfin, la Pizzeria Concertino ai Tre Santi est une étape imposée : prenez le temps de faire la queue tant Ciro Oliva, le patron aux manettes ici, en a fait l’antre du Rinascimento de la pizza napolitaine à grand renfort de produits d’excellence.