Quatrième et dernier épisode de notre série sur les ouvertures du rail qui ont changé le ferroviaire ! Après trois épisodes sur l’ouverture de l’infrastructure du rail britannique, l’ouverture du fret en France et l’arrivée de l’Open Access sur les lignes à Grande Vitesse, nous nous penchons cette fois sur la seconde partie de l’ouverture du transport de passagers. C'est-à-dire le marché conventionné pour les trains TER (Transport Express Régional) et Intercités, soit les lignes qui sillonnent respectivement nos régions depuis 1986 et 2006.
Comme nous l’avons abordé la semaine dernière (lisez notre épisode précédent pour plus de détails), l’ouverture du transport de passagers remonte à l’adoption du quatrième paquet ferroviaire, adopté par l’Union européenne en 2016. Ce texte divise globalement le secteur en deux grandes catégories. La première contient l’ensemble des lignes à Grande Vitesse qui sont ouvertes sur le modèle dit de l’Open Access, aussi appelé Service Librement Organisé, qui permet à n’importe quelle entreprise ferroviaire de se lancer. La seconde catégorie concerne les TER et les trains Intercités. Souvent considérés comme essentiels pour maintenir l’activité économique et sociale des territoires, ceux-ci sont désormais soumis à un régime conventionné. En d’autres termes, cela signifie que ces organismes publics peuvent lancer des appels d’offres pour que des opérateurs privés ou la SNCF exploitent les lignes qu’ils ont besoin de voir continuer à exister.
Depuis 2019, plusieurs régions se sont d’ores et déjà servi de ce texte pour pourvoir à leurs besoins ferroviaires. Parmi elles, la région dite Sud-PACA fait figure de pionnière. Dès décembre 2021, elle a lancé un appel d’offres pour l’attribution de deux lots. Le premier, qui concerne les lignes “Azur”, un réseau de lignes locales autour de la ville de Nice, a été attribué à SNCF Voyageurs. A l’inverse, pour le second lot, l’opérateur historique s’est fait souffler l’exploitation des 160 kilomètres du Marseille-Toulon-Nice par la société Transdev, qui représente tout de même 10% du trafic régional.
Mais les Provençaux ne sont pas les seuls à ouvrir leurs lignes. Les Hauts-de-France ont ainsi annoncé l’ouverture à la concurrence de la totalité de ses lignes régionales. En cause, une mauvaise gestion et un mauvais trafic que Franck Dhersin, le vice-président de la région, n’a pas hésité à attribuer dans les médias au monopole de la SNCF. Les relations étaient tellement tendues entre les deux organismes que les Hauts-de-France ont même interrompu leurs paiements à l’opérateur historique pendant un temps, avant de les reprendre. A noter que cette ouverture concerne aussi les TERGV, les fameux TER à Grande Vitesse lancés dans cette partie de la France en l’an 2000.
Au total, quatre lots devraient être proposés aux différents concurrents. Le premier, qui doit être attribué en 2025, est celui dit de “L’étoile d’Amiens”. La SNCF, Transdev, la Renfe espagnole et Régionéo, qui regroupe la RATP Dev et Getlink, se sont d’ores et déjà portés candidats pour en gérer l’exploitation. Les trois autres lots concernés sont les suivants : Paris-Beauvais et les radiales parisiennes, l’Etoile de Saint-Pol et les lignes du Nord-Pas-de-Calais, et les TER-GV seront quant à eux attribués pour des durées de six à neuf ans en 2026, 2027 et 2028. Soit un juteux marché à se partager.
Enfin, troisième région pionnière de cette ouverture : le Grand Est. Pour relancer ses “petites lignes”, celle-ci a lancé des appels d’offres pour l’exploitation des 48 kilomètres de la liaison Epinal – Saint-Dié, des 80 kilomètres du Saint-Dié – Strasbourg et des 45 kilomètres du Strasbourg – Sélestat. Mais aussi pour celles qui ont déjà été fermées comme la liaison entre Nancy et Contrexéville. Souvent vétustes et peu fréquentées, elles revêtent cependant une importance capitale pour les habitants de la région. Ce qui, selon David Valence, vice-président du conseil régional du Grand Est, ne les empêcherait pas de pouvoir être rentables si elles étaient gérées efficacement. Les lots devraient être attribués début 2023 à l’un des dix concurrents encore en course à ce stade. Parmi eux se trouvent notamment des attelages comme Transdev avec une entreprise de BTP nommée NGE et la Caisse des dépôts, Keolis, une filiale de la SNCF, en duo avec Eiffage, ou encore Régionéo en partenariat avec Colas et Systra.
D’autres régions comme Les Pays de Loire ont aussi franchi le pas pour “augmenter la qualité de service offerte aux usagers en baissant les coûts unitaires avec un double objectif : plus de trains, mieux de trains”. Ces divers exemples démontrent la pluralité des raisons pour lesquelles les organismes publics prennent la décision d’ouvrir leurs lignes à la concurrence. Cela leur permet de reprendre une forme de contrôle sur celles-ci et de leur donner une direction plus adaptée aux besoins de leurs administrés ou à leur vision politique du transport ferroviaire. A noter, d’ailleurs, que si cette mise en concurrence deviendra obligatoire à partir de décembre 2023, il est possible pour les réfractaires de gagner du temps en signant dès à présent avec la SNCF pour des périodes pouvant aller jusqu’à 10 ans. Mais cela ne semble toutefois pas être la direction prise par la plupart des décideurs politiques.