Cela ne vous aura pas échappé, entre la crise énergétique et la Coupe du Monde 2022 au Qatar, les pays du Golfe ont rarement été aussi médiatisés que ces derniers temps. Mais si nous vous en parlons aujourd’hui, ce n’est pas pour revenir sur cette Grande Messe du football mondial qui débutera d’ici quelques jours et restera dans l’histoire par son absurdité. A la place, nous avons décidé de vous parler du Gulf Railway, un projet de train reliant les différents pays membres du Gulf Cooperation Council (Conseil de Coopération du Golfe, en français).
Aussi appelé GCC Railway, ce projet prévoit donc de connecter Bahreïn, le Koweït, Oman, l’Arabie saoudite, les Emirats Arabes Unis et le Qatar par la voie du rail. Mais s’il a été évoqué dès 2008, ce train international a pour l’instant fait attendre tous ceux qui se réjouissaient de son annonce. De nombreux éléments tels que la chute du cours du pétrole depuis 2014, la pandémie de Covid-19 et les tensions diplomatiques entre le Qatar et ses voisins ont notoirement ralenti le développement du projet. De 2017 à 2021, un blocus a en effet été imposé par l’Arabie saoudite, les Emirats Arabes Unis et d’autres pays musulmans au pays organisateur du mondial de football 2022. Le projet a cependant été ressuscité en décembre 2021 lors de la 42e édition du GCC Summit.
Malgré ce retour en grâce lié à la relative entente des différents pays impliqués dans le projet, le Gulf Railway est encore bien loin d’être construit et opérationnel. Et pour cause, s’il n’implique “que” la construction d’un peu plus de 2 000 kilomètres de chemin de fer pour environ 200 milliards de dollars, tous les gouvernements ne sont pas investis de la même façon. Or, pour que cette ligne sorte de terre, il faut que chacune des nations impliquées fasse sa part du travail et investisse dans la construction de la section qui traverse son territoire. En tête, on retrouve l’Arabie saoudite et les Emirats Arabes Unis. La première a déclaré en 2021 qu’elle investirait 150 milliards de dollars, soit un peu plus de 145 milliards d’euros, dans le développement des transports et la logistique. Son gouvernement travaille d’ailleurs actuellement à une grande liaison visant à connecter Jeddah, sur les rives de la mer Rouge, à Jubail, sur les bords du Golfe persique, en passant par la capitale Riyad. Autre projet notoire, l’inauguration en 2018 d’un train à Grande Vitesse entre les deux centres religieux du pays, La Mecque et Médine. C’est dire si le pays mise sur le ferroviaire pour se développer.
De leur côté, les Emirats Arabes Unis ont révélé un programme ferroviaire s’élevant à 13 milliards de dollars, dans le but de générer au moins 55 milliards de dollars de retombées économiques. Son projet Etihad Railway Network, destiné à relier sa frontière saoudienne à sa frontière omanaise, devrait d’ailleurs être opérationnel à horizon 2030, bien que le site officiel prétende qu’il est d’ores et déjà terminé à 70%. Au total, il devrait connecter onze villes à travers le territoire et faciliter le transport de passagers comme de marchandises. Si les deux leaders ferroviaires se démènent avec tant d’énergie pour développer leur rail, c’est parce que l’un comme l’autre comptent sur ce moyen de transport pour booster leurs économies respectives et préparer l’après-pétrole. Or, pour cela, ils ont besoin d’augmenter les flux touristiques et d’améliorer les conditions de fret à travers la région.
Mais tandis que des projections estiment que l’Arabie saoudite dépensera 11 milliards de dollars par an jusqu’en 2025 contre 5 milliards de dollars par an jusqu’en 2026 pour les Emirats Arabes Unis, les autres pays semblent moins motivés ou moins capables de réaliser leur part du chantier. Le Qatar traîne ainsi les pieds pour mener à bien la construction de la ligne devant le connecter à son voisin saoudien, en raison, notamment, des immenses investissements réalisés pour la création des infrastructures nécessaires à la Coupe du Monde 2022. Viennent ensuite Bahreïn, Oman et le Koweït qui semblent tous les trois bien loin de leurs objectifs respectifs. Que ce soit pour des raisons économiques, de motivation politique ou de faisabilité. Malgré la faible longueur du Gulf Railway, celui-ci représente effectivement d’importantes difficultés techniques. Selon les experts, les conditions climatiques du Golfe font peser un risque d'érosion dix fois plus rapide sur les matériels roulants comme sur les infrastructures que dans des conditions normales. Ce qui pourrait les rapprocher de certaines régions australiennes ou marocaines que nous avons déjà abordées dans ces colonnes.
Si le kilométrage et la qualité du rail sont voués à croître au sein des pays membres du GCC, il y a fort à parier que l’entièreté du projet ne verra pas le jour tout de suite. Si vous voulez voyager à travers cette région en partant de Kuwait City pour arriver à Muscat, il vous faudra encore attendre un peu pour le faire grâce à une ligne unique. Et c’est bien dommage.