Et voilà, nous arrivons déjà à la fin de notre saison sur la Très Très Grande Vitesse ferroviaire. Comme pour la voiture volante lors de notre saison précédente, il est donc temps de faire le bilan de ce que nous avons appris sur cette technologie et sur l’horizon auquel elle pourrait voir le jour. Et autant vous le dire, il y a de bonnes chances que ni celui qui écrit ces lignes ni ceux qui les lisent ne la voient de leur vivant. A priori, même nos enfants n’auront pas cette chance. Allez, on rembobine.
Tout d’abord, nous l’avons découvert au fil de notre exploration, il existe aujourd’hui deux principaux scénarios d’accélération du ferroviaire. Le premier consiste à développer les réseaux nationaux à Grande Vitesse ou à Très Grande Vitesse déjà existants pour créer un grand réseau européen permettant de se déplacer à plus de 300 kilomètres/heure de Londres à Bucarest et/ou de Lisbonne à Helsinki. Comme nous l’avons établi dans nos articles précédents, celui-ci impliquerait, avant tout, de trouver un accord commun entre tous les pays du grand ensemble européen sur le plan financier, politique, écologique et technique. Car bien évidemment, cela demanderait des TGV interopérables, sans quoi tout cela n’aurait absolument aucun sens. Sachant que même l’Union européenne — qui ne regroupe évidemment pas tous les pays du Vieux Continent — n’a pas de politique commune du rail, difficile d’imaginer que cela puisse devenir réalité à court ou moyen-terme. Pire encore, les membres de l’Union peinent actuellement à trouver des budgets pour maintenir leurs réseaux ferrés en état. La France par exemple, qui se targue régulièrement de l'excellence de son réseau, a annoncé un budget de 100 milliards d’euros en février 2023. Seul problème, elle ne sait pas encore comment le financer. Et autant vous dire que le développement des LGV ne fait pas partie des priorités qui se dégagent.
Pour établir l’échéance à laquelle un tel projet pourrait voir le jour, nous avons demandé à Patricia Pérennes, économiste des transports au sein du cabinet Trans-Missions, de se prêter au jeu de la prospective. “Clairement, si on se base sur l’espérance de vie des femmes en France (85,1 ans en 2020, selon le Direction de la Recherche, de l’Evaluation et des Statistiques, ndlr), je ne verrai pas ce grand réseau de LGV de mon vivant. Cela n’arrivera pas avant 2070, puisque c’est la date annoncée de la mise en place de la Commande Centralisée du Réseau. A ce rythme-là, on peut donc peut-être imaginer que ça puisse arriver en 2150”, analyse-t-elle avant de préciser qu’il s’agit d’un minimum. Et que celui-ci est évidemment sujet à des variations difficiles à prendre en compte à ce jour. Vous l’aurez compris, ce n’est pas pour demain.
Le second scénario repose quant à lui sur le développement à grande échelle de trains à Très Très Grande Vitesse basés sur des technologies comme la sustentation magnétique des trains de type Maglev ou la propulsion de capsules sous vide comme celle de l’Hyperloop, supposément capable de rouler à des vitesses dépassant les 1000 kilomètres/heure. La première a le mérite d’être viable à l’échelle, extrêmement faible, à laquelle elle est déployée. Mais qu’en serait-il si elle devait traverser une zone ultra aride ou ultra froide ? Que se passerait-il si elle venait à tomber en panne au milieu de nulle part ? En plus des infrastructures dont nous parlions il y a deux semaines, combien de techniciens et d’ingénieurs faudrait-il former pour pouvoir assurer un service digne de ce nom ? Quant à l’Hyperloop, c’est bien simple, à ce stade, il relève du fantasme quasi complet. Pire encore, nombre d’experts y voient une vaste fumisterie, le délire d’un homme qui pense pouvoir révolutionner tout ce qu’il touche.
A ce propos, Patricia Pérennes propose donc, avec l’humour et la lucidité de ceux qui savent qu’ils se livrent à un exercice périlleux, un horizon 2300. “Je ne dis pas que c’est impossible. Ce genre de projet pourrait voir le jour avant, dans un contexte très particulier, dans une zone désertique appartenant à un Etat ayant énormément d’argent à y consacrer, au Qatar par exemple, ou aux Emirats arabes unis. Mais un déploiement à grande échelle en Europe, ça semble encore difficile à imaginer dans un délai qui me permettrait de voir cela de mes yeux”, explique la chercheuse.
Vous l’aurez compris, le fantasme que pourrait représenter le fait de voyager dans un grand tube en verre de Paris à Rome ou de San Francisco à Los Angeles ne deviendra pas réalité. Pas plus que celui de voir un réseau étendu de lignes à Grande Vitesse en Europe. Du moins pas tant que nous foulerons cette Terre. Oui, on sait, c’est un peu déprimant parfois la prospective. Mais chez Midnight Trains, nous croyons sincèrement qu’il vaut mieux chercher des solutions concrètes pour décarboner les transports que de se raccrocher à des promesses d’illuminés. D’ailleurs, on vous a collecté quelques données pour vous aider à vous imaginer à quoi ressemblera le monde au moment où le scénario le plus crédible se réalisera.
Lorsque l’Europe sera équipée d’un vaste réseau à Grande Vitesse en 2150 :