A bien y regarder, Venise ne va pas de soi. Qui eut cru que cette ville flottante au milieu de la lagune vénète puisse exister et, plus encore, perdurer, compte tenu du dérèglement climatique en cours ? Combien d’esprits pessimistes ont d’ailleurs prédit sa disparition, en raison de son environnement mouvant ? Pourtant, Venise demeure, malgré toutes les difficultés auxquelles elle fait face.
En cela, Venise partage beaucoup avec l’épopée ferroviaire, tant toutes deux ont parfois de quoi ne pas aller de soi. Et si impossible n’est pas vénitien, impossible n’en est pas moins ferroviaire. Avant que Midnight Weekly ne prenne ses quartiers dans la Cité Flottante, la perche était trop grande pour ne pas la saisir et vous raconter un exploit aussi ferroviaire que maritime.
Passé le début du XIXe siècle et l’essor des chemins de fer sur leur terrain de jeu préféré que constitue le plancher des vaches, le ferroviaire a eu en effet à cœur d’explorer des possibles que d’aucuns n’auraient dit probables. A ce titre, l’un des exemples les plus surprenants est sans nul doute ce train qui pour rallier Hambourg à Copenhague, roulait (ou presque) sur l’eau de la Mer Baltique, il y a encore quelque temps.
Cette liaison répondait au doux nom de Fugleflugtslinjen (en danois) ou Vogelfluglinie (en allemand), ce qui pour les non-initiés veut dire “la ligne du vol d’oiseau”. Une dénomination poétique pour habiller une prouesse technique, pensez-vous ? Que nenni ou si peu, puisque ce nom a été choisi tant le tracé ferroviaire épousait peu ou prou, le chemin emprunté par les oiseaux migrateurs entre la Scandinavie et l’Europe centrale : de quoi rendre ce chemin somme toute naturel.
Jusqu’au 14 décembre 2019, c’est une expérience incroyable que vous pouviez vivre à bord d’un train amphibesque. Partant de Hambourg en fin d’après-midi, vous preniez alors place à bord d’un train aussi long qu’une rame de métro (et autrement plus confortable). Les kilomètres défilaient déjà depuis un moment quand soudain, vous arriviez à la fin des terres allemandes, dans la localité de Puttgarden, sur les rives de la Mer Baltique. Une annonce retentissait alors informant que le train allait rien de moins qu’embarquer.
En moins de temps qu’il ne vous en fallait pour vous figurer cette drôle d’idée, les wagons prenaient déjà leur élan pour méthodiquement pénétrer dans l’antre d’un ferry où des chemins de fer lui permettaient de s’installer comme si de rien n’était. Vous étiez alors invités à laisser vos effets à votre place pour quitter votre wagon et profiter de l’heure à venir à bord de ce navire. Alors que votre train voguait l’air de rien sur les flots, vous aviez le loisir de contempler le coucher du soleil depuis le pont supérieur du bateau, jusqu’à ce que vous repreniez place dans votre wagon, une fois arrivé à Rødby, en territoire danois. Et déjà le train s’extirpait du ferry pour emprunter des chemins de fer plus prosaïques, en direction de Copenhague.
Non, tout cela n’est pas un poisson de septembre ! A dire vrai, c’est dès 1863 que ce projet avait germé dans l’esprit inspiré de l'ingénieur allemand Gustav Kröhnke. Et si trois ans plus tard, le voilà qui recevait déjà l'autorisation du gouvernement danois d'établir un terminal ferry ainsi qu'une liaison ferroviaire près de Rødby, le projet connaîtra nombre d’accrocs avant de voir le jour.
Les travaux sont une première fois arrêtés pour être repris dans les années 1920, quand l’opérateur ferroviaire considère à nouveau le projet avec intérêt. Au gré d’une succession d’arrêts et de reprises des travaux à en perdre toute logique, il faudra attendre le 14 mai 1963 pour qu’enfin, le roi Frédéric IX du Danemark et le président allemand Heinrich Lübke inaugurent ensemble cette liaison fabuleuse. Impossible n’est pas ferroviaire qu’on vous dit, à condition de faire preuve de patience.
Pendant plusieurs décennies, ce train a fait le bonheur des voyageurs et c’est néanmoins, entre autres, pour des raisons écologiques qu’il y a été mis un terme. Ce train au parcours enchanteur roulait au diesel et son bilan carbone était loin d’en faire un chantre de l’action climatique. Qu’à cela ne tienne, les autorités ont à présent un nouveau projet, tout pour la Mer Baltique : le Femern.
Le Femern est ce tunnel qui reliera l’Allemagne et le Danemark au moyen de 18 km de liaison ferroviaire immergée, à compter de 2029. En train, le trajet ne prendra alors plus que 7 minutes entre Puttgarden et Rødby : à la différence du Tunnel sous la Manche, celui-ci ne sera pas foré, puisqu’il reposera sur le fond marin.
Non, décidément, impossible n’est pas ferroviaire et même la mer sait donc rimer avec les chemins de fer. Et chez Midnight Trains, il nous tarde de vous faire découvrir ce tunnel à bord d’un de nos trains, qui vous emmènera jusque dans la capitale danoise.