Après nous être penchés sur Railcoop la semaine dernière, notre série de quatre épisodes sur les nouveaux acteurs du secteur ferroviaire européen explore cette fois un projet sobrement nommé Le Train. Comme Midnight Trains, mais avec des concepts très différents de nos hôtels sur rails, ces opérateurs se sont lancés à la conquête des chemins de fer depuis leur ouverture à la concurrence. Pour ce second épisode, nous faisons donc la part belle à cette entreprise qui souhaite apporter la grande vitesse dans les régions françaises qui n’y ont pas, ou pas assez, accès.
A l’origine, il y a une frustration. Celle de Tony Bonifaci, un industriel charentais, qui constate que, malgré la mise en service et l’extension de la ligne à grande vitesse Sud Europe Atlantique, le nombre de Trains à Grande Vitesse (TGV) qui dessert le grand ouest reste trop faible pour que tous les habitants puissent en profiter pleinement. Sa rencontre avec Alain Getraud, un ingénieur expert en ferroviaire en 2019, puis l’ouverture du rail français à la concurrence, vont transformer ce constat en un projet bien concret. A horizon fin 2022 ou début 2023, les deux hommes veulent opérer leurs propres trains à grande vitesse en Nouvelle-Aquitaine, principalement entre Arcachon, Bordeaux, Angoulême et Poitiers avec, notamment, des extensions vers Nantes et Rennes durant les week-end.
L’objectif est clair et il ne concerne pas Paris. Les fondateurs de Le Train ne visent pas les liaisons Paris-régions déjà très nombreuses et souhaitent au contraire se consacrer aux trajets intra et inter-régions, souvent délaissés par la SNCF. Au total, Le Train prévoit de transporter un total de 3 millions de passagers par an. Mais surtout, ils entendent bien le faire à des tarifs extrêmement accessibles. Et pour cause, ces trains à grande vitesse ont pour finalité de rendre plus confortables la vie des Français souhaitant se déplacer rapidement et régulièrement entre des villes dites secondaires. Pour cela, impossible donc d’appliquer les tarifs historiques des trains à grande vitesse, trop élevés pour un usage quotidien par des particuliers. Le Train prévoit donc de proposer des billets “stables et compétitifs” oscillant entre 20 et 30 euros.
Cet ambitieux projet a évidemment un prix. En plus de son fond d’amorçage, les équipes de Le Train l’estime à 100 millions d’euros dont 65 millions devront être des fonds propres et 35 millions seront de l’endettement. Plusieurs millions d’euros leur auraient déjà été confiés par une banque mais une levée de fonds devrait avoir lieu au cours des prochains mois afin d’essayer de boucler le financement.
Autre problème récurrent pour les nouveaux acteurs du rail : le matériel. Le choix de Le Train s’est porté sur 10 rames d’occasion pouvant accueillir 350 personnes mais l’entreprise n’a pas encore communiqué sur la société auprès de laquelle elle comptait les acheter. Ni sur les éventuels travaux de réfection qu’elle prévoit pour ses voitures.
Enfin, Le Train est engagé dans des négociations complexes avec les autorités du rail et la SNCF. Bien que le recrutement des conducteurs et des équipes de bord et de quai ait déjà commencé, la Licence d'entreprise ferroviaire de transport de voyageurs et le Certificat de sécurité doivent encore lui être attribués pour qu’il puisse faire circuler des trains. Des obstacles qui n’ont pas empêché le Train d’annoncer qu’il commencera à réserver des sillons en juin 2022 et que les premiers billets seront commercialisés en septembre de la même année.
Si leurs projets diffèrent, les étapes les plus problématiques à franchir restent les mêmes pour Railcoop, Le Train et tous les autres nouveaux acteurs du rail européen. Mais de la même façon que nous espérons que Railcoop puisse relier Bordeaux et Lyon, nous soutenons évidemment l’idée d’une grande vitesse améliorée entre Arcachon, Bordeaux, Angoulême et Poitiers. Parce que nous croyons sincèrement que, sur le rail, il y a de la place pour toutes les bonnes idées et toutes les bonnes volontés.