Après Railcoop et Le Train, notre série de quatre épisodes sur les nouveaux acteurs du secteur ferroviaire européen se penche cette fois-ci sur Kevin Speed. Comme Midnight Trains, mais avec des concepts très différents de nos hôtels sur rails, cette entreprise fait partie de celles qui ont décidé de se lancer à la conquête des chemins de fer depuis leur ouverture à la concurrence. Pour ce troisième épisode, nous faisons donc la part belle à ce projet qui souhaite mettre en place des navettes Grande Vitesse ultra régulières entre Paris et la proche province.
“La Grande Vitesse, pour tous, et tous les jours !”. Le slogan de Kevin Speed est clair sur l’objectif de l’entreprise : faire en sorte que des trains se déplaçant à la même vitesse que les TGV deviennent financièrement et quotidiennement accessibles à tous. Pour cela, Laurent Fourtune, un ancien de Getlink (ex-Eurotunnel), veut mettre sur rails des navettes reliant Paris et toutes les destinations régionales se trouvant à moins de deux heures de la capitale. Un croisement entre le RER et TGV, une sorte de RER-GV que l’on pourrait prendre tous les jours pour aller bosser ou pour une réunion nécessitant une présence physique.
L’idée qui se cache derrière Kevin Speed est surtout d’attirer une cible plus populaire que celle des trains à grande vitesse traditionnels. Même son nom fait référence à cet objectif puisque le projet a été nommé Kevin en hommage à ce prénom très courant dans les classes des années 1970 et devenu un symbole de mépris social dans les années qui ont suivi son apparition. Les tarifs imaginés par les équipes reflètent évidemment cette volonté d’ouverture puisqu’on parle de trajets facturés autour de 3 euros pour 100 kilomètres. Un prix défiant toute concurrence, qui repose sur un important volume, notamment dû au développement du télétravail.
Kevin Speed souhaite en effet que ses trains effectuent douze rotations par jour avec trois conducteurs qui en gèrent quatre chacun. L’entreprise mise également sur des trains courts pour en limiter la maintenance et remplis à ras bord grâce à une organisation faite de cinq rangs alignés de front. Ce n’est qu’à ces conditions que ces prix ultra compétitifs pourraient être tenus et rentables.
Enfin, cet ambitieux projet reposerait sur une application mobile communautaire annoncée comme révolutionnaire. Selon Laurent Fourtune, celle-ci devrait permettre, grâce à une sorte de collaboration entre les employés et les passagers, de créer un train propre et à l’heure, un élément essentiel pour un tel système de navettes à taux de rotation élevé. Les clients devraient ainsi être capables de signaler des défauts de gestion ou des problèmes sur la ligne pour améliorer l’expérience de tous. L’application a aussi une vocation communautaire visant à permettre aux voyageurs extrêmement réguliers d’apprendre à se connaître et éventuellement de covoiturer pour faire le premier ou le dernier kilomètre ensemble.
Contrairement à Railcoop et Le Train qui visent des lancements fin 2022 ou courant 2023, Kevin Speed vise une ouverture de ses premières lignes à horizon 2025-2026. Toujours selon son dirigeant, l’entreprise doit encore acheter des trains et réserver les fameux sillons-horaires dont nous avons déjà parlé précédemment. Peu d’informations ont donc été rendues publiques jusque-là sur son plan de financement et sur d’éventuelles levées de fonds. Si la route semble donc encore longue, cela ne nous empêche pas de souhaiter à l’équipe de réussir à mettre en place ce projet aussi innovant qu’ambitieux. Car on vous le redit, nous pensons sincèrement que le rail est un marché bien plus ouvert à la créativité et à l'originalité que ne le laisse penser sa nature. Alors bonne chance à eux et à tous ceux qui se lanceront un jour dans le monde du transport ferroviaire de passagers.