Les trains légers peuvent-ils sauver les petites lignes ? 

Des rames au régime

Nous avons tous, au cours d’une promenade à la campagne, aperçu une pittoresque gare oubliée ou de vieux rails abandonnés aux herbes sauvages. Et pour cause, nous en avons déjà parlé dans ces colonnes, nombre de petites lignes de chemin de fer françaises ont été fermées au fil du temps, faute de rentabilité, de passagers et/ou de soutien des pouvoirs publics. Pourtant, de l’avis de tous - le patron de la SNCF, les dirigeants des régions françaises ou encore le gouvernement, la résurrection de ce réseau dit capillaire serait l’une des façons les plus efficaces de lutter contre la politique du tout-voiture dans les régions les plus isolées de l’hexagone. Selon SNCF Réseau, ces lignes représentent 42% du linéaire du réseau ferroviaire national : 12 047 kilomètres (sur un total de 28 364 kilomètres) dont 9137 kilomètres sont ouverts à la circulation de passagers comme au fret. Les 2910 kilomètres restants sont réservés au transport de marchandises. En fait, ce réseau est si dense qu’on estime que plus de 2 millions de personnes habitent à moins de 15 minutes d’une gare desservie par ce que l’opérateur historique français appelle les lignes de desserte fine.

Si la nécessité de les revitaliser n’est même pas un débat, il est bien évidemment impossible d’y faire rouler des TER ou, pire, des TGV, jusqu’à chaque petit arrêt reculé. La SNCF et un certain nombre d’autres entreprises ont donc décidé de plancher sur des véhicules plus petits, plus légers et plus adaptés aux besoins de ces lignes et de leurs usagers. La première innovation sur laquelle la SNCF a communiqué s’appelle Flexy et peut embarquer jusqu’à quatorze passagers sur des lignes dont la longueur est comprise entre entre 10 et 30 kilomètres. Mais surtout, puisqu’il est destiné aux zones les plus profondément rurales, ce véhicule mixte peut passer du rail à la route et inversement afin de permettre aux voyageurs d’accomplir leurs derniers kilomètres sans en descendre. Conçue en partenariat avec la start-up Milla et Michelin, elle n’est d’ailleurs pas la seule sur ce créneau puisqu’Akka Technologies développe un équivalent appelé Flexmove. 

Un cran au-dessus, on trouve Draisy, une “navette ferroviaire” pouvant accueillir jusqu’à quatre-vingts personnes, dont trente assises sur des trajets d’une longueur maximale de 100 kilomètres. De plus, elle est dotée d’une motorisation électrique et d’un système de stockage d’énergie embarqué qui se recharge en gare. Ce qui lui permet d’être plus écologique qu’un train classique, d’avoir des coûts de maintenance réduits et de moins solliciter la voie. Enfin, elle a vocation à proposer un usage beaucoup plus souple que ses prédécesseurs grâce à des arrêts “à la carte” pour faciliter la vie des utilisateurs réguliers. Bref, beaucoup de belles promesses et une expérimentation sur une ligne pilote à horizon 2025. C’est aussi cette année-là que devrait être testé un projet appelé Ecotrain. Développé par l’école des Mines d’Albi et déjà doté de 8 millions d’euros par l’Ademe (Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie), le projet consiste aussi en une navette ferroviaire ultra légère et autonome visant à transporter des passagers comme du micro-fret. 


Enfin, il y a le Train Léger Innovant, le TLI, conçu avec Alstom et CAF.
Beaucoup plus proche du train classique que les véhicules précédemment évoqués, il en reprend pourtant certaines caractéristiques, à commencer par une masse largement réduite par rapport à un TER. La principale caractéristique du TLI est toutefois qu’il s’agit d’un autorail bardé de technologies afin de faciliter la gestion de sa circulation tout en conservant un niveau de sécurité extrêmement élevé. Capable d’accueillir entre soixante et cent passagers, il a été pensé pour désenclaver les territoires grâce à une rotation rapide, confortable, abordable économiquement et décarbonée. Les tests devraient commencer en 2024 pour une exploitation commerciale prévue par la SNCF pour 2028-2029. 

Si ces différents modes de transport ont de quoi séduire, il est toutefois nécessaire de relativiser un peu. Car si les constructeurs prétendent avoir de nombreux clients intéressés, à commencer par les régions françaises, certains experts doutent que tous ces trains puissent réellement être exploités sur le rail hexagonal.Les projets comme le TLI peuvent se déployer sur les 12 000 kilomètres de petites lignes. En revanche, les matériels beaucoup plus légers sont bien moins déployables partout. Les modules rail-route comme Flexy ne fonctionneront bien que dans de rares configurations géographiques (une vallée, par exemple) et le nombre de véhicules nécessaires peut finir par rendre la solution très chère. Ces matériels ne pouvant accéder au réseau classique, ils ont du mal à se connecter à une gare. Dans des projets comme Draisy, nous estimons que la solution sera pertinente seulement sur une quinzaine de lignes en France”, expliquait ainsi Pierre Zembri, professeur à l’université Gustave-Eiffel de Marne-la-Vallée et spécialiste de la mobilité, dans une interview accordée au journal français Le Monde. 

De notre côté, que ce soit celles-là ou d’autres, nous ne pouvons qu’espérer voir arriver toujours plus d’innovations sur le rail. Des petites, des grandes, des légères, des mixtes, peu importe tant qu’elles sont écologiques et qu’elles permettent à un maximum de gens de prendre le train plutôt que la voiture.

Midnight Trains Logo