Annonce capitale pour le rail européen. Un an après la fin de l’Année Européenne du Rail, la Commission européenne vient en effet d’annoncer qu’elle allait soutenir dix projets pilotes de trains transfrontaliers afin de rendre le secteur plus efficace, plus rapide et plus abordable pour les voyageurs. Et pour cause, malgré la libre circulation des biens et des personnes prévue par les textes de l’Union, il n’existe pas aujourd’hui de véritable politique européenne du rail. Comme nous l’avons souvent évoqué dans ces colonnes, chaque pays a développé son propre réseau. Le plus souvent en fonction de sa propre histoire, en suivant ses propres règles et en utilisant ses propres technologies. Même avec l’ouverture à la concurrence, le niveau d’interopérabilité reste donc extrêmement faible, ce qui laisse la part belle au transport routier et au transport aérien. Comme le prouve le fait que ce dernier a presque retrouvé son niveau de 2019, les frontières n’ont jamais empêché les avions de circuler, tant le système international de gestion aérienne est bien conçu.
Décidée à faire changer les choses, la DG Move, qui “élabore et met en œuvre la politique de la Commission dans le domaine des Transports”, s’est donc appliquée à sélectionner dix projets à la fois variés et pertinents pour encourager le développement du train longue distance. A noter que le transport de passagers longue distance exclut de fait les services ferroviaires urbains, suburbains et régionaux. Cependant, la liste inclut aussi bien des initiatives intergouvernementales que des projets développés par des entreprises ferroviaires bien établies et des start-up.
On y trouve les nouveaux services de passagers du gouvernement hongrois entre la Hongrie, l’Autriche et la Roumanie, ceux des Ferrovie dello Stato Italiane et de la Deutsche Bahn entre Rome, Munich et Milan ou encore l’amélioration du service Amsterdam-Londres soutenue par une coopération entre Nederlandse Spoorwegen et Eurostar. La liste contient aussi le projet d’Ilsa — la filière de Trenitalia — entre Lisbonne, La Corogne et Madrid, celui des Ferrocarrils de la Generalitat de Catalunya reliant la Catalogne et le sud de la France et l’extension du service passagers de la WESTbahn sur le Munich-Vienne-Budapest. A cela s’ajoute une grande connexion entre l’Allemagne, le Danemark et la Suède constituée de trains de nuit et de trains de jour via une collaboration entre différents acteurs publics et privés de ces trois pays. Enfin, la DG Move a sélectionné le projet de Flixtrain sur le Munich-Zurich.
Si vous avez compté, vous vous êtes certainement aperçus que seuls huit projets sont cités dans le paragraphe ci-dessus. C’est tout simplement parce que les deux derniers sont ceux de deux start-up désirant faire circuler des trains de nuit. La première s’appelle European Sleepers et vise l’itinéraire Amsterdam-Barcelone. La seconde n’est autre que Midnight Trains pour son futur trajet Paris-Milan-Venise. En tant que seuls représentants de l’hexagone, nous sommes très fiers de faire partie des sélectionnés. Mais surtout, cela nous donne de l’espoir quant à la détermination de la Commission européenne à encourager le développement du ferroviaire international et, tout particulièrement, des trains de nuit.
Il convient toutefois de préciser que le soutien de la Commission européenne n’est pas financier. Il s’agit plutôt d’une assistance logistique. Dans son plan d’action 2021, celle-ci a en effet “recensé des obstacles à l’adoption et à l’exploitation des services ferroviaires transfrontaliers pour voyageurs” comme “l’attribution des capacités” ou “le manque de coordination entre les gestionnaires des infrastructures”. Si les projets pilotes seront aidés dans le franchissement de ces barrières, ils permettront aussi de mieux les comprendre et donc de mieux les faire tomber, voire d’en identifier de nouvelles. A n’en pas douter, ces projets pilotes seront donc de véritables pionniers du nouveau rail européen, ils ouvriront la voie (ferrée) à de nombreux autres. “Je me réjouis de la perspective de travailler avec le secteur ferroviaire pour que ces 10 projets pilotes soient une réussite et que de nombreux autres suivent !”, a ainsi expliqué Adina Vălean, la commissaire européenne aux Transports. On ne peut que partager son enthousiasme.