Adrien Aumont — C’est donc officiel : nous sommes à la fin du mois de mars 2023 et la ROSCO nous a lâchés. C’est un coup dur. Un vrai de vrai. Mais ce n’est pas encore un K.O. Nous ne sommes pas encore tout à fait au sol. Nous avons encore le géant de l’hôtellerie et la géante de l’investissement dans la manche. Nous attendons encore leurs lettres d’intérêt. C’est ce qui nous permet d’encaisser ce choc. Un vilain uppercut au foie qui arrive au pire moment. Nous essayons toutefois de rester positifs. Il ne faut pas oublier que ce sont deux énormes noms. Un que le monde entier connaît et l’autre que tout le monde du financement d’entreprise connaît et respecte. S’ils s’engagent à nos côtés, nous pouvons toujours espérer trouver une autre ROSCO, un fonds d’infrastructures ou une autre entité pour acheter et nous louer nos actifs. Ces trains de nuit réinventés qui attendent patiemment d’être fabriqués dans un atelier en Europe de l’Est.
Romain Payet — Adrien l’a dit : le timing du retrait de la ROSCO est catastrophique. Il faut bien comprendre qu’une levée de fonds est un momentum. C’est un couloir de temps restreint dans lequel tout se joue. Durant celui-ci, le meilleur moyen de conclure consiste à rassurer tout le monde en annonçant un maximum de bonnes nouvelles. Et pour cause, les bonnes nouvelles ont tendance à en générer d’autres. Un partenaire en confiance est un partenaire qui avance et un partenaire qui avance est un partenaire qui annonce de bonnes nouvelles. Les étapes sont franchies, ses décisionnaires votent positivement, ils émettent des lettres d’intérêt, ils parlent positivement de vous autour d’eux et ainsi de suite. Et puis, au bout du bout, les fonds se débloquent.
Le seul problème, c’est que ce momentum est unique. Si on ne parvient pas à conclure, il ne se représente pas à nous. En tout cas pas sous cette forme, pas dans ces incroyables conditions ni avec cette composition d’équipe complètement hors-norme. Sauf que nous avons une mauvaise nouvelle à annoncer à nos deux géants. Ce que nous faisons le 28 mars 2023. Sur le moment, ils sont rassurants. Tout comme la banque d’affaires. Ils nous disent tous que ce n’est pas grave, qu’on trouvera des solutions tous ensemble. Que cette ROSCO n’était qu’une partie de l’équation. Tout ne reposait pas sur elle. C’est vrai mais c’est faux. Nous pouvons faire sans la ROSCO mais une mauvaise nouvelle à quelques jours de la conclusion d’une levée de fonds n’est jamais sans conséquences.
Nicolas Bargelès — Le résultat ne se fait pas attendre. Au tout début du mois d’avril, la société de gestion nous lâche à son tour. Au tout dernier moment, à l’ultime comité d’investissement. Celui au moment duquel tous les partenaires votent à la majorité pour décider de l’avenir d’une entreprise. Mais cet aréopage des temps modernes a basculé du mauvais côté. Est-ce parce qu’ils sont trop nombreux à croire en l’avion low cost plutôt qu’au train de nuit ? Peut-être. Est-ce que le cabinet de conseil qu’ils ont recruté pour les aider à trancher a influé sur la décision ? Peut-être aussi. Est-ce parce que ces experts ont été un peu frileux sur le potentiel de notre modèle ? C’est aussi une possibilité. Nous ne le saurons jamais avec exactitude. Nous ne sommes pas dans le secret des dieux.
Enfin, puisqu’une mauvaise nouvelle ne vient jamais seule, le groupe hôtelier nous lâche aussi. Deux jours plus tard. Comme pour la ROSCO, nous n’aurons l’explication que plus tard. Une histoire d’organisation interne et un aiguillage malheureux au sein de celui-ci. Pour faire simple, nous avons été placés sous la tutelle de la mauvaise personne. D’un ponte qui préfère que ses équipes se concentrent sur l’hôtellerie plutôt que sur des activités annexes. Petit lot de consolation tout de même, nous savons que celles et ceux avec qui nous échangions voulaient sincèrement s’engager à nos côtés.
Adrien Aumont — Dire que c’est un coup dur serait un pléonasme. Nous avons à peine le temps d’accuser la chute du premier géant que celle du deuxième nous cueille. Alors que tout était en train de prendre forme, tout semble désormais s’effondrer autour de nous. Cette gifle est d’autant plus difficile à encaisser qu’elle est inattendue. Si nous étions peut-être un peu trop sûrs de nous avec le fonds d’infrastructures, cette fois, nous avions de bonnes raisons d’y croire. Nous sommes allés au bout du bout des protocoles d’investissement. La banque d’affaires, dont c’est pourtant le domaine, y croyait dur comme fer. Elle a clos des financements beaucoup plus complexes que le nôtre. Elle était certaine que nous allions réussir. Mais tout le monde nous a lâchés.
Maintenant, il faut annoncer cela à notre comité stratégique. Celui auquel nous avons apporté tellement de bonnes nouvelles ces derniers temps. En espérant qu’il nous fasse encore confiance, car nous arrivons au bout de nos liquidités.