Adrien Aumont — Maintenant que nous avons décidé de sortir du bois, il faut passer à l’action. Tout d’abord, il nous faut décider de la façon dont nous allons le faire et avec quelles informations. Nous sommes en effet confrontés au fait que les seuls visuels que nous avons à disposition à ce moment-là sont ceux des trains d’occasion espagnols. Or, nous savons déjà que nous n’allons pas les acheter. Nous décidons toutefois de nous en servir. Car, même s’ils ont été pensés pour un autre gabarit de matériel roulant, ils représentent le style de Midnight Trains. Ils portent en eux l’esprit de ce que nous voulons faire. Et puis, ils laissent deviner l’organisation des espaces à l’intérieur des trains.
Une fois que c’est décidé et acté, il nous faut créer la première newsletter avec Hervé, qui s’occupe de la communication et des relations publiques. Tous ensemble, nous établissons donc les rubriques de la première version que les plus anciens d’entre vous connaissent : une partie consacrée aux petites histoires de la grande histoire du ferroviaire, une autre consacrée à l’industrie du rail (y compris Midnight Trains), une troisième consacrée à la visite d’une ville européenne, puis une recette créée par un chef, un film et un morceau de musique. Enfin, au niveau du ton, il nous faut tirer notre chapeau à Hervé. C’est lui qui a su trouver un ton à la fois sérieux et léger, élégant et détendu, centré sur l’amour des bonnes choses et du voyage. Ce sera la force de cette première génération de newsletter.
Ensuite, il faut réfléchir à la façon dont nous allons communiquer sur notre sortie du bois auprès des médias. L’idée est de viser juste, de ne pas s’éparpiller et de créer un moment médiatique fort. Dans un premier temps, nous décidons donc de réserver l’exclusivité de l’information à deux médias : le grand journal économique français Les Echos et la très populaire radio RTL, qui diffuse dans toute la francophonie européenne. Pourquoi ceux-là ? Le premier parce qu’il correspond à notre clientèle et parce qu’il s’intéresse de près à tous les projets d’entreprises innovantes. La seconde parce que, même si elle ne correspond pas tout à fait à notre cœur de cible, elle est extrêmement bien reprise. Il en résulte une interview durant la matinale de RTL du 15 juin 2021 et un article publié dans Les Echos dans l’après-midi de la même journée. Ces deux gros médias ont ensuite été repris par le journal italien La Repubblica et son homologue britannique The Guardian. Et là, c’est l’explosion.
Ce relais en dehors de l’hexagone de grande ampleur, notamment opéré grâce au réseau international d’Hervé, nous pousse à prendre une décision rapide. Nous n’avions qu’une newsletter en français et nous recrutons donc un traducteur en urgence, Huw Oliver, pour en produire une version en anglais. Nous mettons ensuite en place deux canaux d’acquisition, un dans chaque langue. Puis, après avoir laissé passer quelques jours pour faire grossir la communauté, nous envoyons la toute première édition de Midnight Weekly le 21 juin 2021.
Romain Payet — Cette semaine-là, j’étais en compétition sportive et je ne regardais mon téléphone que le soir. Mais quand je l’allumais, ça sonnait sans discontinuer, c’était presque effrayant. Je recevais cent cinquante messages de la communauté par jour ainsi que des dizaines de demandes d’ajout sur les réseaux sociaux, notamment LinkedIn. Il faut dire que nous avions aussi briefé nos proches et nos contacts pour qu’ils relaient les articles de presse et la newsletter. Et ils ont assuré, ils ont littéralement repeint LinkedIn. Si bien que, durant des semaines, ça a été comme ça. Dans les dix premiers jours qui ont suivi le lancement, nous atteignons 10 000 abonnés, dans des proportions à peu près égales pour les versions francophone et anglophone.
Pour nous, c’est un immense moment. Nous réalisons que notre message délivré dans les médias — le fait que le train de nuit a un avenir à condition qu’il soit réinventé — est passé. Et que, mieux encore, il séduit. Au point que nous sommes contactés par des gens incroyables, des profils d’un peu partout dans le monde, des directeurs de création de grandes marques internationales qui nous proposent leurs services. Mais aussi et surtout, des passionnés de voyages en train de nuit qui nous apportent leur soutien, qui nous disent qu’ils sont derrière nous et qu’ils attendent avec impatience que nos trains arrivent sur le rail.
Adrien Aumont — Il est clair que nous sommes d’abord un peu dépassés par ce succès mais nous nous adaptons rapidement. Car même si cela va faciliter nos relations avec pas mal d’acteurs du secteur ainsi que nos recrutements, nous savons que c’est aussi un défi. A ce moment-là, nos trains ne seront pas disponibles avant plusieurs années. Il va donc falloir fournir du contenu de qualité sur la longueur. C’est ce que nous nous efforçons de faire depuis lors.