Ne nous mentons pas, la Roumanie ne constitue pas exactement la première destination touristique qui vient à l’esprit des Européens quand ils veulent partir en week-end. Pourtant, ne pas se rendre en Roumanie, et particulièrement à Bucarest, sa splendide capitale, serait une erreur. Surtout si vous aimez les visites hors normes, les sorties de route et les découvertes improbables. Pour vous le prouver, on fait donc suite à nos visites de Catane, Malaga et Tbilissi en vous emmenant dans cette cité qu’on appelle parfois le “petit Paris”.
Ce surnom n’est évidemment pas un hasard. La ville de Bucarest le doit à sa superbe architecture, qui n’est pas sans rappeler celle de la ville lumière. Si un passage par le très touristique Arc de Triomphe vous en convaincra, il existe un bien meilleur moyen de le constater : flâner au sein du passage Macca-Vilacrosse, une splendeur bâtie à la fin du XIXe siècle. Mais contrairement à la capitale française où la pression immobilière a transformé chaque recoin en appartement, de nombreux bâtiments désaffectés peuplent Bucarest. L’un d’eux héberge même un marché aux puces absolument inratable. Rempli d’un bric à brac allant des merveilles cachées aux gadgets rétros, il a surtout le bon goût d’être hébergé dans le décor somptueux d’un immeuble semi abandonné (Strada Doamnei 11). Ne le manquez pas, que ce soit pour acheter ou pas.
Les Roumains ne manquent ni d’humour ni de cynisme. L’un d’eux, Cristian Lica, a donc fondé un musée qui met ces deux traits de caractère à l’honneur : le Musée roumain du kitsch. On y trouve de très nombreuses créations humaines qui vont du pur mauvais goût au romantisme dégoulinant en passant par des œuvres d’art ratées. Mais le véritable génie des lieux réside dans les huit catégories dans lesquelles sont réparties les collections dont “Dracula”, l'inénarrable vampire de Transylvanie, “kitsch religieux”, “kitsch communiste”, “kitsch de design intérieur” et quelques autres. Mieux encore, il existe des ateliers pour créer votre propre objet ultra kitsch. Un moment rare de rire, de culture et de “C’est vraiment atroce ce truc…”
On quitte l’ambiance flea market et mauvais goût pour entrer chez Hanul cu Tei, l’une des dernières auberges traditionnelles qui tiennent debout à Bucarest. Construite en 1833 par et pour des marchands, elle sert des plats ultra traditionnels généreusement accompagnés de bières locales. Il faut bien avouer que les boissons houblonnées font partie intégrante de la culture roumaine, en témoigne le crédo de l’établissement : “la bière est la preuve que Dieu nous aime”. Une fois que vous aurez découvert les saveurs de la gastronomie roumaine, il ne vous restera plus qu’à vous balader parmi les œuvres de la galerie d’art qu’héberge aussi Hanul cu Tei. Une institution comme on les aime, de celles qui marquent autant le cœur que le palais.
Après cette petite pause, il est temps d’explorer l’un des endroits les plus jouissifs de tout Bucarest. Ce lieu c’est le Cărturești Carusel, une librairie qui compte parmi les plus belles du monde. En plus d’un décor à couper le souffle, elle offre aux amateurs de livres de s’enfoncer dans ses six étages dont les rayonnages sont recouverts de plus de dix mille livres, sur tous les sujets possibles et imaginables. Plus généralement, Bucarest est remplie de librairies cachées, surprenantes et originales qui feront exploser les cœurs de tous les rats de bibliothèques. Si vous êtes dans cette team, faites donc aussi un tour par celle appelée Carturesti Verona. Vous ne serez pas déçu, peut-être même que vous vous y réfugierez quelques heures pour bouquiner tant on s’y sent bien.
Si les Bucarestois et les Bucarestoises aiment indéniablement les livres, ils aiment aussi les légendes. C’est pourquoi on se rend maintenant dans à l’église de Zlătari. Et pour cause, c’est là qu’est conservée une relique très particulière datant du IIIe siècle : le bras de Saint Cyprien le Mage. Selon la légende, avant de devenir chrétien, cet homme aurait voyagé partout dans le monde et aurait ainsi réussi à devenir un puissant sorcier. Il se serait ensuite converti après que l’un de ses sorts ait été vaincu par les prières de la personne à laquelle il l’avait jeté. Chacun en pensera ce qu’il veut mais la relique aurait encore le pouvoir de lever les malédictions et d’annuler les sortilèges. Bref, l’occasion idéale de vous débarrasser de cette vilaine malédiction qui vous colle aux basques depuis des années.
Cela fait déjà quelque temps qu’une nouvelle génération de chefs fait exploser toutes les traditions de la cuisine roumaine traditionnelle. Au sein de cette fronde bienveillante, Alexandru Dumitru fait partie des leaders les plus admirés. Avec son Bistro Ateneu, il rejette aussi bien les ambiances trop guindées que les plats trop ancrés dans une tradition immémoriale. Pour cela, il propose des versions parfois très revisitées des classiques de son pays, servis par un personnel sympathique et dans un décor ludique et confortable. Une soirée dans ce lieu est donc la garantie de découvrir ce que l’avant-garde culinaire de la ville fait de mieux. Sans parler de la cave à vin qui convaincra même les plus difficiles d’entre vous.