Après avoir voyagé à bord Trenhotel de la Renfe et des Thello de Trenitalia, notre série sur les trains de nuit disparus s’intéresse cette semaine à la City Night Line de la Deutsche Bahn. Adorés par les usagers d’Allemagne et des pays limitrophes, ces trains de nuit ont desservi durant deux décennies l’Autriche, la Suisse, les Pays-Bas, le Danemark, la France, la République tchèque et l'Italie. Et puisqu’ils partaient et arrivaient tous du très central Etat germanique, ils ont constitué l’un des cœurs du transport nocturne de passagers pendant près de deux décennies. Heureusement, cela ne vous aura pas échappé, Midnight Trains a pour projet de reconstituer ce réseau de manière plus moderne et plus confortable que leurs prédécesseurs.
La City Night Line (CNL) n’a pas toujours porté ce nom. Lancée en 1995, cette gamme de trains a d’abord été une filiale commune des chemins de fer allemands (Deutsche Bahn, aussi appelée DB), des chemins de fer fédéraux suisses (CFF) et de leurs homologues autrichiens (ÖBB). Mais malgré cette intéressante idée de filiale trinationale, la société passe sous le contrôle total de la Deutsche Bahn dès 1999. Alors divisés en deux catégories, les EuroNight et les Urlaubs Express, ces trains entrent dans l’histoire ferroviaire allemande aux yeux du grand public.
Et pour cause, ces lignes s’étendent au même rythme que l’influence du pays de Goethe sur le Vieux Continent. Après des décennies de division entre les deux blocs de la Guerre froide, la toute jeune République allemande peut enfin s’ouvrir à ses voisins, en recevoir les habitants et y envoyer ses citoyens. Prague, Vienne, Paris, Copenhague ou encore l’Italie, les possibilités sont désormais infinies. Et la Deutsche Bahn ne se prive pas de les exploiter grâce à ses trains de nuit qui transforment les longs trajets en quelques heures de sommeil.
Pour cela, la société allemande propose différents types de rames, toutes construites en Suisse. Les places les moins onéreuses donnent accès à des rames de type UIC-Z2 où un peu plus de soixante personnes peuvent s’asseoir sur des sièges parfois inclinables, le plus souvent divisés en compartiments. D’autres rames, comme les WLAB 34 et les WLAB 44 proposent quant à elles deux niveaux accueillant de 34 à 44 couchages. Au fil des années, certaines liaisons mettront aussi en place des cabines avec deux ou quatre couches, dont certaines sont franchement luxueuses. Il arrive en effet qu’elles soient équipées de petites tables où dîner ou de douches. Ce à quoi s'ajoutent bien évidemment des wagons dits d’accueil et de restauration. Enfin, et il semble important de le souligner en pleine prise de conscience écologique, certains trains de nuit de la Deutsche Bahn étaient qualifiés de voitures mixtes couchettes-fourgon permettant aux passagers de stocker leurs vélos le temps du trajet.
Malgré ces belles idées et cette grande flexibilité, ces lignes circulant depuis 2007 sous le nom de City Night Line commencent à péricliter en 2014. Cette année-là, la Deutsch Bahn annonce en effet la fin des lignes entre l’Allemagne, la France et le Danemark. Le coup de sifflet final n’est donné que deux ans plus tard, en 2016, avec la fermeture totale du service. En Allemagne, la déception est immense. Au point qu’une pétition signée par 29 000 personnes arrive au Bundestag, le parlement allemand, pour le supplier d’intervenir, de sauver leurs trains de nuit adorés. Une preuve s’il en fallait de l’amour profond des Européens pour ce mode de transport nocturne. En vain. La Deutsch Bahn reste sur ses positions et signe la mort définitive de la City Night Line.
L’espoir renaît pourtant quelques mois plus tard puisqu’en octobre de la même année, ÖBB fait l’acquisition d’une cinquantaine de wagons-couchettes et wagons-lits mis à l’index par la décision des chemins de fer allemands. Dans la foulée, elle reprend la moitié des liaisons nocturnes, privilégiant les plus rentables plutôt que les plus populaires auprès des usagers. Ainsi disparaissent notamment les fameux trajets Amsterdam-Munich et Cologne-Prague, si chers aux passagers européens.
Depuis, le succès est au rendez-vous puisque ÖBB affirme transporter 1,4 millions de passagers dans l’ensemble de ses trains de nuit qui seraient presque toujours pleins. De quoi se convaincre de deux choses. La première, c’est que l’existence d’une clientèle n’est plus à prouver. La seconde, c’est que la fin d’une ligne ne signifie pas que la liaison ne soit pas exploitable, bien au contraire. Et ça, chez Midnight Trains, on y croit de tout notre cœur.