C’est une nouvelle saison dans les coulisses d’une compagnie comme Midnight Trains, que nous vous proposons. Après une première saison consacrée à l’achat du matériel roulant, Midnight Weekly vous propose cette fois une saison en cinq épisodes, pour tout vous raconter sur comment designer un train (et plus encore, comme quand dans notre cas, le design participe à réenchanter le voyage en train de nuit).
Dans notre dernier épisode, nous avons simulé la demande et itérer sur les diagrammes et la composition des trains, afin de trouver la solution optimale et de les figer. Cette fois, on passe à l’étape suivante : nous allons intégrer les éléments fonctionnels et techniques dans tous les espaces de notre train.
Afin de construire les étapes précédentes, nous avons toujours eu une approche centrée sur le voyageur (le public), ses attentes (services, habitudes) et son budget (cohérence du prix du service par rapport aux alternatives). Cette fois, nous allons aller encore plus loin et faire vivre, littéralement, le voyageur dans notre train pour identifier ses besoins pratico-pratiques, les points de friction et tenter d’y apporter des solutions.
En voiture ! Embarquons donc dans notre train de nuit avec un positionnement luxe pour les voyageurs d’affaires (celui utilisé pour l’exercice de cette série) ! Ou pas si vite, en fait, commençons déjà par arriver sur le quai, par un soir d’été !
Notre voyageuse d’affaire-type doit monter dans le train mais la porte de la voiture est fermée (bon, d’accord, avec un positionnement luxe, on imagine que la compagnie a prévu du personnel d’accueil, mais c’est pour étayer notre propos). Est-ce que la voyageuse doit ouvrir la porte manuellement ou appuyer sur un bouton automatique ? Nous allons opter pour le bouton automatique, beaucoup plus moderne, sécurisant et en ligne avec le positionnement de la compagnie.
Elle voyage avec une valise cabine (typique de chez typique pour un voyage d’affaires de quelques jours) et des vêtements dans une housse séparée. Considérant qu’une valise cabine fait généralement 40 cm de large (sauf pour Easyjet où c’est 35 cm et on n’a jamais compris pourquoi), et qu’il n’y a rien de plus insupportable que le bagage frotte contre les parois, il faudra un couloir d’environ 60 cm de large.
Il lui faut ensuite pouvoir accéder à sa chambre. Elle a bien reçu un numéro de chambre lors de sa réservation mais là encore, la porte est fermée. Nous ajoutons donc un système d’ouverture de porte par QR code. Par manque de chance, elle n’a plus de batterie (ce n’est pas son jour, dirons-nous). On retourne en arrière et on modifie l’ouverture par QR code par une ouverture avec un pavé numérique. Par chance, elle a reçu le code au même moment que son numéro de chambre à la réservation et a pensé à le noter sur un bout de papier.
Une fois dans sa chambre, elle s’installe et commence par poser ses affaires. On lui ajoute donc une patère derrière la porte d’entrée pour sa housse à vêtements et un espace de rangement pour sa valise cabine sous le lit (avec les bonnes dimensions, bien sûr). Posée sur son lit, elle ne se souvient absolument plus de l’heure à laquelle elle est attendue en salle de conférence pour le speech du patron, mais elle n’a toujours pas de batterie sur son téléphone. On lui ajoute donc une prise secteur proche du lit, enfin une prise secteur et une prise USB, car combien de fois nous est-il arrivé d’oublier l’embout secteur de son chargeur ? Au cas où, parons à toute éventualité.
Le téléphone se rallume enfin, mais nouveau hic, pas de 4G. Ça arrive dans les trains. Toujours impossible de retrouver le mail qui précise l’heure du rendez-vous dans la salle de conférence. Pas de problème, on ajoute des antennes sur le toit, des câbles ethernet, un switch ethernet, des câbles coaxiaux et deux points d’accès wifi dans le couloir pour une connectivité optimale. Avec ça, ça devrait le faire.
Ouf, elle a rendez-vous à 20h00, il est 19h15 et elle décide de prendre une douche avant la conférence et le dîner. Peu habituée à pouvoir prendre une douche dans un train, elle pourrait avoir oublié de prendre sa propre serviette. On va donc lui ajouter un porte-serviette (avec une serviette propre, ça va de soi) dans la salle de douche. Inimaginable de poser ses affaires par terre, on ajoute également deux patères dans la salle de douche. Comme une douche sans eau, ce n’est pas une douche, on va ajouter un réservoir d’eau sous la voiture. Et comme une douche sans eau chaude, c’est encore moins une douche qu’une douche sans eau, on va ajouter un système de chauffe-eau. Et là, on est presque bons : reste à prévoir la gestion de l’eau sale. Impossible de la mélanger avec l’eau propre, on doit donc ajouter un nouveau réservoir d’eau sous la voiture pour les eaux grises.
En sortant de sa douche, elle a un peu chaud dans sa chambre (vous vous souvenez, on est en été). Au regard du prix du billet et du positionnement de la compagnie, installer une climatisation est impératif. On lui ajoute donc un système de climatisation et un bouton de réglage à sa discrétion.
Il lui reste maintenant quinze minutes avant d’aller en salle de conférence et elle décide d’envoyer un dernier mail avant ça. Elle s’assoit sur son lit et pose son ordinateur sur ses genoux et elle a bien raison de ne pas trouver ça, franchement très confortable. On lui ajoute donc un dossier sur la paroi entourant le lit et une table pliante pour poser son ordinateur. Ça y est, son mail est envoyé et elle quitte sa chambre direction la salle de conférence.
Bon, cela fait une heure que notre voyageuse d’affaire est dans le train et on a déjà pu définir un certains nombres d’éléments fonctionnels et techniques :
Mais voilà, si notre voyageuse d’affaire est unique en son genre (ce type d’exercice, vous l’avez compris, l’exige pour viser la perfection), à bord du train, nous comptons aussi avec la présence de son collègue en fauteuil roulant, sa collègue qui a pris son vélo pour se balader à Berlin entre les réunions ou encore son patron qui n’arrive pas à se séparer de son chien. Autant d’éléments à prendre en compte, là aussi.
Selon nous, le devoir de l’opérateur est d’avoir pensé à un maximum de persona différentes, d’essayer de trouver des solutions, de faire des arbitrages (certains éléments comme l’accueil des personnes à mobilité réduite ne rentrent évidemment pas dans cette catégorie, c’est une obligation logique) et de les assumer en toute transparence ensuite.
Nous avons aussi pris le parti d’imaginer notre voyageuse d'affaires dans un monde idéal où tout se passe bien à bord, mais il pourrait y avoir une panne sur le trajet avec impossibilité de sortir du train ou encore un incendie. Heureusement, pour ce dernier exemple, des normes de sécurité très précises sont imposées aux compagnies et aux constructeurs. Il faudra donc les intégrer scrupuleusement dans les spécifications techniques au risque de ne pas passer les étapes d’homologation.
A la fin de ce quatrième épisode, nous commençons à avoir une idée très précise des éléments qui composeront notre train. Personne n’a pour autant envie de passer douze heures dans des espaces très bien pensés, fonctionnels et disposant de tous les éléments techniques mais qui soient froids, sans odeur et sans saveur. Ce sera donc l’objet de notre dernier épisode : les matières et les couleurs.