Si les trains modernes sont extrêmement sûrs, les accidents comme celui de la gare Montparnasse font indéniablement partie de l’histoire du domaine ferroviaire. Nous nous penchons donc sur celui qui est considéré comme le plus terrible de l’histoire des Etats-Unis : The Great Train Wreck of 1918, dans laquelle deux trains de passagers se sont percutés de face.
Tout commence le 9 juillet 1918 à Nashville, la capitale de l'État du Tennessee. Il est 7h07 du matin lorsque le train de voyageurs n°4 de la compagnie NC & StL Railway quitte Union Station avec sept minutes de retard, en direction de la ville de Memphis. Dans le même temps, le train de voyageurs n°1 arrive à Nashville depuis Memphis et Saint-Louis, et devrait tenir son horaire annoncé de 7h10. Le premier compte six voitures de passagers dites à caisse en bois, dont un fumoir, ainsi qu’un fourgon postal et un fourgon à bagages. Le second comprend six voitures de passagers du même type que le train n°4, un fourgon à bagages et deux voitures-lits Pullman en acier. Personne ne le sait à ce moment-là mais ils vont se rentrer dedans à pleine vitesse.
Alors que le train en provenance de Nashville arrive à proximité d’une bifurcation, le technicien de bord siffle pour demander la priorité sur la voie. Sur cette ligne, celle-ci n’est double que sur seize kilomètres mais des points d’évitements sont présents à différents endroits et le système est supposément bien rodé. L’employé présent au poste d’aiguillage lui donne le feu vert mais, au moment où il ouvre son registre pour noter ce passage, il réalise que celui du train n°1 n’y figure pas. Or, s’il n’est pas passé, c’est qu’il est encore sur le tronçon et que les deux trains risquent de se percuter. Après avoir obtenu confirmation de l’information, il fait hurler son sifflet d’alerte. Mais personne ne l’entend.
Les deux trains se percutent donc à une vitesse comprise entre 80 et 95 kilomètres/heure. Le choc est terrible. Son bruit, semblable à une explosion, se fait entendre à des kilomètres à la ronde ce qui alerte immédiatement les habitants du coin, qui préviennent les secours. Les deux locomotives se renversent, chacune d’un côté de la voie, tandis que les premières voitures de chaque train se disloquent et qu’un incendie se déclare. De nombreux secouristes arrivent en voitures tandis qu’une centaine d’autres débarquent grâce à des trains spécialement affrétés pour faire face aux conséquences du drame.
Les victimes sont nombreuses et comprennent aussi bien des Noirs que des Blancs. A l’époque, l’information n’est pas anodine puisque ces derniers sont encore le plus souvent rigoureusement séparés les uns des autres dans la plupart des lieux publics à cause de la ségrégation qui sévit. Au point que, même face à un tel drame, la couleur a encore son importance. Ainsi, les blessés sont répartis en fonction de cela entre les différents établissements médicaux de la région. Certains sont envoyés à l’hôpital de Nashville, d’autres dans le privé, d’autres encore dans des structures d’accueil d’urgence. Pire encore, même dans les morgues, Noirs et Blancs sont séparés, tandis que du personnel supplémentaire est recruté en urgence pour faire face au nombre de corps qui arrivent.
Sans surprise, la presse locale s’empare immédiatement de l’affaire mais son traitement manque souvent de rigueur puisque des chiffres allant de vingt-cinq à cent soixante-dix morts sont publiés dans les médias. C’est finalement l’Interstate Commerce Commission (ICC) qui officialise un total de cent un morts et cent soixante-et-onze blessés. Ce bilan est toutefois sujet à controverse pour plusieurs raisons. La première est la difficulté des services de secours à identifier certaines victimes. La seconde est que l’estimation du nombre de passagers présents dans les trains établi par la NC & StL Railway semble très en-dessous de la réalité. La compagnie en recense en effet trois cents cinquante alors que les survivants évoquent deux trains pleins à craquer, dans lesquels certains passagers sont serrés dans les couloirs. Une information qui pourrait pourtant s’avérer capitale dans la détermination des responsabilités de ce drame.
Et pour cause, deux enquêtes sont diligentées, une confiée à l’Interstate Commerce Commission et l’autre aux services des chemins de fer, pour établir les causes de l’accident et en prévenir de nouveaux. Mais malgré l’ampleur du drame, l’enquête conclut à une accumulation d’erreurs humaines mais à aucune responsabilité personnelle. Ainsi, même si l’équipe de conduite du train n°4 est montrée du doigt parce qu’elle aurait dû s’arrêter au poste d’aiguillage pour vérifier le registre des passages et ne pas s’engager sur la voie, elle n’est pas la seule en cause. Dans son rapport officiel, l’ICC reproche aussi à NC & StL Railway des pratiques opérationnelles douteuses et mal appliquées.
Si elle fait du bruit dans la presse locale, la catastrophe n’a pourtant pas un impact médiatique immense dans le pays. D’abord, parce que l’administration régionale des chemins de fer se dit rapidement prête à accepter toutes les demandes d’indemnisation raisonnable des victimes et des familles pour éviter un procès. Ensuite, parce que les Etats-Unis sont entrés dans la Première Guerre mondiale en 1917 et que tous les regards sont tournés vers l’Europe. Un conflit qui a d’ailleurs poussé le gouvernement américain à nationaliser ses chemins de fer la même année. Nous vous en parlerons peut-être un jour.