Cette semaine, notre série sur les grandes nationalisations du ferroviaire européen se termine avec un quatrième épisode consacré au Royaume-Uni. S’il ressemble par certains aspects aux cas de l’Italie, de l’Espagne et de la France, il présente aussi de grandes particularités. La première est que le pays est le dernier des quatre à nationaliser son réseau alors que celui-ci est considéré comme le plus ancien du monde. L’autre, c’est que, comme nous vous l’avons raconté dans une édition précédente, il est en train de reprendre la direction de la nationalisation, au moins partiellement.
L’histoire du chemin de fer britannique commence par des charrettes montées sur des rails faits de bois, puis de métal, et tirées par des chevaux. C’est d’ailleurs sur l’île de Bretagne que la première ligne de transport de passagers au monde est exploitée à partir de 1807 par l’Oystermouth Railway, toujours par traction hippomobile. La première locomotive à vapeur, appelée La Salamanca, est quant à elle mise en service en 1812 par la société Middleton Railway pour relier les houillères de Middleton à la ville de Leeds.
A partir des années 1830, et en particulier au cours de la décennie 1840, le nombre de lignes construites dans le pays explose. Il en pousse un peu partout, à l’initiative de petites sociétés privées qui ne se posent pas tellement la question de savoir si leur itinéraire est pertinent et s’il existe une rentabilité pour leur projet. Peu importe, l’Angleterre s’est éprise du rail et tous ceux qui ont le pouvoir et les fonds nécessaires à la construction d’une ligne investissent dans ce nouveau moyen de transport. Au point qu’on parle d’une “Railway Mania”, qui fait suite à la “Canal Mania”, un phénomène similaire s’étant déroulé autour des sociétés construisant des canaux.
De cette mania résulte un réseau ferroviaire mal relié, composé de petits tronçons indépendants les uns des autres. Le phénomène pousse alors le gouvernement à légiférer sur le sujet en 1840 en créant la Railway Inspectorate qui est chargée d’enquêter sur les accidents de trains ainsi que d’émettre des recommandations pour les éviter. En 1844, un projet de loi propose d’aller bien plus loin en nationalisant l’ensemble des chemins de fer mais il est rejeté par le Parlement britannique, qui n’est visiblement pas prêt à prendre une telle mesure. Un encadrement de la construction des voitures de voyageurs est toutefois adopté grâce à ce texte.
Le rail britannique continue tranquillement son développement jusqu’à la Première Guerre mondiale où il est provisoirement placé sous le contrôle de l’Etat, pour d’évidentes raisons de logistique militaire. Mais là encore, malgré les voix qui appelaient à la nationalisation, la frange conservatrice des élus parvient à empêcher une telle opération malgré les nombreux avantages révélés par une gouvernance étatique unique. Le 1er janvier 1923, un nouveau texte nettoie malgré tout le réseau en le plaçant sous le contrôle de quatre grandes compagnies ferroviaires appelées The Big Four : la Great Western Railway, la London and North Eastern Railway, la London, Midland and Scottish Railway et la Southern Railway. Seules quelques lignes gérées par plusieurs compagnies à la fois ne sont pas intégrées aux quatre grands acteurs que compte désormais le rail de l’île de Bretagne.
C’est à nouveau la guerre qui va pousser le gouvernement britannique vers la nationalisation de ses chemins de fer. Alors que le second conflit mondial a éclaté en Europe, les directions des Big Four décident de s’unir afin de ne fonctionner que comme une seule entité. Les trains ne sont plus seulement des outils de convoyage de marchandises et de passagers. Ils sont désormais des moyens d'éloigner les populations des bombardements nazis et d’acheminer du matériel militaire jusqu’à des destinations stratégiques.
Une fois la guerre terminée, le pays ne peut que constater les dégâts infligés à son réseau par les bombes. Une évidence s’impose alors à tous : le secteur privé ne pourra pas le remettre en état de marche par ses propres moyens. En 1948, il est donc décidé que l’ensemble des lignes de train du Royaume-Uni seront réunies sous une seule bannière, celle de la British Railway. Elle-même placée sous le contrôle de la British Transport Commission. Cette nouvelle entité va donc contrôler la reconstruction du réseau qui prend fin en 1954. Et bien qu’elle n’ait fait que quelques changements mineurs sur l’organisation de l’ensemble, elle parvient à rendre le rail britannique rentable en quelques années. La suite, nous vous l’avons déjà racontée dans notre série sur les grandes ouvertures du rail.