Adrien Aumont — Cette fois nous y sommes, nous avons atteint le point final de cette longue saison. Treize épisodes au cours desquels nous avons passé en revue les contraintes ferroviaires auxquelles nous faisons face, puis la façon dont nous les avons surmontées, solutionnées ou contournées. Mais bien évidemment, cela fait beaucoup d’informations et de données à retenir. Avant de passer à la suite de l’histoire de Midnight Trains — la fameuse et critique seconde levée de fonds — nous avons décidé de vous faire un petit topo sur cette saison. Et pour unir tous les problèmes et toutes les solutions, qui de mieux que Nicolas ?
Nicolas Bargelès — Adrien vous l’a dit, l’heure est venue du bilan des bilans. Mais plutôt que de vous raconter une nouvelle fois chacune des histoires qui se cache derrière chacune des problématiques, on a décidé de faire ça sous la forme d’une petite liste. Si vous êtes un lecteur ou une lectrice de la première heure, cela vous rafraîchira un peu la mémoire sur les différentes avancées de notre aventure. Si, au contraire, vous nous avez récemment rejoints dans ces colonnes, ce sera l’occasion de vous mettre à jour. Et, si vous le souhaitez, de trouver les ressources nécessaires pour comprendre les moindres détails de tout ce parcours.
Routes, réseau et gestionnaires d’infrastructures
Problèmes : Un réseau européen non-unifié au plan des infrastructures, de la signalisation, de l’écartement des voies ou encore des normes de sécurité. Une disparition quasi totale des trains de nuit de passagers qui a rendu difficile le franchissement des points-frontières. Au point que les pratiques nécessaires à une telle circulation ont quasiment disparu dans les différents pays européens. Ce qui conduit à ce que les gestionnaires d’infrastructures des différents pays européens ne dialoguent pas toujours efficacement les uns avec les autres, sur des axes où ils n’en ont pas (ou plus) l’habitude. Pire encore, ils ne coordonnent plus leurs travaux, ce qui rend certaines routes ferroviaires impraticables pour les trains de nuit de passagers. Car les uns bloquent la route principale lorsque les autres travaillent sur l’itinéraire alternatif. Bref, plus rien n’est fait pour que des projets comme les nôtres puissent circuler.
Solutions : La création d’un premier réseau de quatre lignes partant toutes d’une même gare : Paris<>Milan<>Venise, Paris<>Barcelone, Paris<>Nice, Paris<>Florence<>Rome et Paris<>Madrid. Probablement dans cet ordre mais avec des échéances vraisemblablement assez différentes les unes des autres. En parallèle, se rendre au Forum Train Europe à Ljubljana et mettre les trois gestionnaires d’infrastructures de notre première ligne internationale (SNCF Réseaux, Rete ferroviaria italiana et les Chemins de Fer Fédéraux suisses) autour d’une même table. En choisir un pour coordonner l’ensemble. Et surtout, utiliser Time Table Recast, le nouvel outil de planification des travaux et des sillons, dans le cadre actuel d’un pilote. Et en profiter pour l’améliorer en attendant que les autres acteurs du rail s’y mettent.
Maintenance
Problèmes : Les opérateurs de maintenance privés sont rares en France et il reste de moins en moins de halles adaptées aux voitures tractées plutôt qu’aux trains automoteurs. De plus, le site de maintenance de la gare de Lyon — appelé Villeneuve-Prairie — ne peut pas nous accueillir. Ou dans de si mauvaises conditions qu’il vaut mieux trouver une autre option. La loi est de notre côté mais la réalité est qu’Ile-de-France Mobilités a la main sur toutes ces facilités.
Solutions : Accepter la proposition de SNCF Voyageurs qui nous propose d’organiser notre maintenance sur le site de Masséna, à la gare d’Austerlitz. Et donc travailler pour maintenir des horaires corrects pour nos trains de nuit, malgré les ralentissements liés aux horaires des RER aux heures de pointe. Se montrer flexible et créatif.
Traction
Problèmes : Tracter ses propres trains n’a rien de simple puisque cela implique d’être une entreprise ferroviaire : nécessité d’un important capital social, obtention d’une licence ferroviaire et d’un certificat de sécurité. Cela génère aussi des frais très importants : recrutement et formation de nombreux personnels, location ou achat de locomotives, etc. Ne pas tracter ses trains réduit le contrôle sur l’offre et ce qui se passe à bord des trains.
Solutions : S’appuyer sur Nicolas et ses compétences pour se donner les moyens de devenir une entreprise ferroviaire. Se démener en faisant tout ce qu’il faut faire, en frappant aux portes et en lançant toutes les complexes démarches nécessaires. Se battre pour obtenir une licence ferroviaire et un certificat de sécurité. Et puis, juste au cas où, garder un plan alternatif dans la manche. Dans le ferroviaire, il faut toujours un plan B, voire C, voire D.
Locomotives
Problèmes : Il n’existe pas de locomotives interopérables entre les trois pays de nos premières lignes (France, Suisse, Italie). Il faudra donc changer de traction à chaque passage de frontière ou presque, avec tout ce que cela implique comme perte de temps, comme changement de conducteurs et comme formation de personnel.
Solutions : Faire compliqué en attendant de pouvoir faire simple. Se dire qu’on a de la chance quand on apprend que les locomotives tant attendues arrivent très prochainement, chez Siemens et Alstom. Se positionner tout de suite sur ces locomotives précisément interopérables entre ces trois pays. Se dire qu’on est au bon endroit au bon moment.
Voitures
Problèmes : Il n’y a presque pas de voitures de train de nuit disponibles en seconde main, ni en Europe occidentale ni en Europe de l’Est. Et quand il y en a, elles sont chères et quasiment impossibles à modifier pour nos besoins.
Solutions : Prendre la décision d’acheter du matériel roulant neuf. Comparer les constructeurs et en trouver un, bardé d’expérience, qui nous fabrique précisément ce dont nous avons besoin sur la base d’une voiture préexistante. S’apercevoir que ça correspond aussi à notre budget. Bosser sur des designs innovants et en adéquation avec notre époque.
Adrien Aumont — Voilà, vous êtes à jour. Vous êtes donc parfaitement en condition pour attaquer la partie la plus cruciale de Confidences. La seconde levée de fonds, qui arrive dès la semaine prochaine.